« Fichier Monsanto » : « Le Monde » porte plainte
« Fichier Monsanto » : « Le Monde » porte plainte
Par Luc Bronner
Une plainte contre X a été déposée, le 26 avril, auprès du parquet de Paris, après la découverte de documents consignant des données de personnalités et leur opinion sur le glyphosate.
Fichier Monsanto - glyphosate / Document Le Monde
Le Monde et Stéphane Foucart, journaliste au service Planète, ont porté plainte, le 26 avril, auprès du parquet de Paris après la découverte de ce « fichier Monsanto ». Parmi les deux cents personnalités politiques, scientifiques ou syndicales qui figurent dans ce fichier constitué par Fleishman-Hillard, près de la moitié sont des journalistes. Engagé par Monsanto, le grand cabinet de lobbying et de relations publiques a travaillé main dans la main avec le groupe Publicis, lui aussi mis en cause dans la constitution ou l’utilisation du fichier.
Datés de fin 2016, les deux tableaux que Le Monde et France 2 se sont procurés consignent noms, coordonnées et opinions sur le glyphosate et divers sujets liés à l’agriculture, mais aussi les actions à entreprendre pour obtenir au niveau européen la réautorisation du glyphosate, ingrédient actif du Roundup.
Fichier Monsanto / Document Le Monde
Pour l’avocat du quotidien, Me François Saint-Pierre, « Le Monde ne peut pas accepter qu’une multinationale fiche les journalistes en fonction des enquêtes qu’ils mènent sur elle, ce que même les services de police n’ont pas le droit de faire ; c’est illégal ».
Tableurs
La plainte du Monde porte sur quatre chefs d’accusation : le « fichier Monsanto » constitue une « mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel illicite » et une « collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ». Comme les informations sont classées dans des tableurs, ces bases de données permettent la « conservation en mémoire informatisée des données à caractère personnel faisant apparaître les opinions politiques et philosophiques d’une personne sans son consentement ».
Enfin, les fichiers étant en anglais, il y a lieu de soupçonner un « transfert illicite de données à caractère personnel faisant l’objet ou destinées à faire l’objet d’un traitement vers un Etat n’appartenant pas à l’Union européenne ou à une organisation internationale ». Chacun de ces délits est puni de cinq ans de prison et de 300 000 euros d’amende.
Si plusieurs journalistes du Monde figurent dans le « fichier Monsanto », Stéphane Foucart occupe une place à part pour les lobbyistes de Fleishman-Hillard. Fiché avec les notes maximales en termes d’audience et de crédibilité, il est présenté comme « fortement opposé » dans l’un des tableaux. Il apparaît également dans un document intitulé « Le glyphosate en France, contexte ». Pour illustrer les « activistes mobilisés contre le renouvellement du glyphosate », une diapositive de cette présentation Powerpoint montre une photo du journaliste au côté des visages des eurodéputés Verts Michèle Rivasi et Yannick Jadot, et des logos de deux associations.
Qui sont les « fichés » de Monsanto ?
Le « fichier Monsanto » est constitué de deux tableaux remplis de noms de personnalités, accompagnés d’une multitude de renseignements. L’ensemble comprend en tout plus de 200 noms.
Près de la moitié sont des journalistes. Y figurent la plupart des professionnels couvrant les questions environnement et agriculture pour les quotidiens, mais aussi ceux des agences de presse, des radios, des chaînes de télévision, de l’émission de France 5 « Pourquoi Docteur », des magazines comme Ça m’intéresse ou Sciences et Avenir, et des publications plus spécialisées comme Réussir Fruits & Légumes ou Semences et Progrès.
On y trouve également les noms de vingt-cinq « politiques » (ministres en place à l’époque de la constitution du fichier en 2016, eurodéputés et députés français). Ceux d’une trentaine de dirigeants d’organisations agricoles comme la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) ou la Confédération paysanne. Ou encore de dix-sept ONG, comme l’Association pour la promotion d’une agriculture durable, parmi lesquelles certaines sont spécifiquement étiquetées « anti-Monsanto » (La Ligue contre le cancer).