Le centre de crise et de soutien du Quai d’Orsay a signé, vendredi 10 mai, un partenariat avec l’Office international des migrations pour organiser l’accueil en France de cent mères isolées de la communauté yézidie et leurs enfants, originaires du Sinjar irakien. Depuis la victoire militaire contre l’organisation Etat islamique (EI) en Irak, en décembre 2017, une majorité des membres de cette communauté ethno-religieuse, persécutée et réduite en esclavage par le groupe djihadiste, vit dans des camps de déplacés dans le nord de l’Irak, dans l’attente d’une hypothétique reconstruction de leur région.

« Un jour, peut-être, retourneront-elles sur notre terre. Notre objectif n’est pas l’immigration et d’amener des yézidis en France, mais de faire en sorte que l’EI n’achève pas l’extermination de notre peuple », a témoigné Nadia Murad, Prix Nobel de paix 2018 pour son action en faveur des femmes yézidies, lors de la cérémonie de signature. « La plupart des yézidis, s’ils doivent rester dans les camps, vont finir par émigrer si vous leur proposez. Quatre-vingts à 90 000 membres de notre communauté ont déjà émigré en Europe », a-t-elle ajouté.

Exilée en Europe depuis qu’elle a été sauvée des griffes de l’EI en 2015, la jeune femme de 26 ans a souligné la nécessité que la communauté internationale s’engage pour la reconstruction de la région du Sinjar. « Notre politique est d’être attentif à la situation de ces femmes, hommes et familles qui ont du mal à se réintégrer mais aussi de travailler sur place, avec les autorités irakiennes, pour réhabiliter la zone du Sinjar et réinstaller des infrastructures de base sans lesquelles il n’y aura pas de retour et de réinstallation des populations yézidies et autres », a assuré en retour Jean-Claude Mallet, le conseiller spécial du ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

Contribuer à des projets de reconstruction

L’Iraquienne yézidie Nadia Murad, lauréate du prix Nobel 2018, le 9 mai 2019 à Paris à Paris. / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

L’accueil de ces familles est l’un des trois engagements qu’avait pris le président français, Emmanuel Macron, lors de son entretien avec la Prix Nobel de la paix à Paris, le 25 octobre 2018. Le chef de l’Etat s’est également engagé à contribuer à des projets de reconstruction dans la province du Sinjar et à renforcer la lutte contre l’impunité des crimes commis à l’encontre des victimes de violences ethniques et religieuses. Quatre-vingt charniers contenant les dépouilles de yézidis tués par l’Etat islamique en 2014 ont été découverts en Irak. Le président Macron a proposé à l’Irak de coprésider la prochaine conférence internationale que le France organisera à l’automne sur ce thème.

Quatre-vingt trois yézidis – 16 mères isolées et leurs enfants – ont déjà été accueillies le 19 décembre 2018 par Paris, en présence de Nadia Murad. L’accueil des autres familles, hébergées en Ile-de-France et en région, s’étalera tout au long de l’année. D’ici à la fin mai, trente autres familles devraient ainsi être reçues. L’Initiative de Nadia Murad, l’association qu’elle a créée, se charge de sélectionner au sein de la communauté yézidie les bénéficiaires potentielles, anciennes victimes – directes ou indirectes – de l’EI.

« Le groupe de femmes et d’enfants qui sont arrivés et vont arriver en France sont des mères isolées qui ont perdu leur mari et ont des difficultés à trouver un emploi et à survivre là-bas », a précisé Nadia Murad vendredi à Paris. Ces familles ont été entendues par des officiers de protection de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides lors de deux missions effectuées en Irak. Les enfants sont immédiatement scolarisés à leur arrivée en France et les mères bénéficient d’une formation en français et d’un accompagnement pour construire un projet professionnel.

Sur le volet de la reconstruction, la France cofinancera à hauteur de deux millions d’euros, avec l’Initiative de Nadia Murad, la construction d’un hôpital à Sinjar pour remplacer celui qui a été en grande partie détruit dans les combats contre l’EI. Nadia Murad va consacrer une partie de la dotation qu’elle a reçue du prix Nobel de la paix à ce projet. Les travaux seront menés sous l’égide de l’association la Chaîne de l’espoir, avec l’objectif affiché d’inaugurer le premier pavillon de l’hôpital dans un délai de trente mois.