Le projet de la Mairie de Paris pour mettre fin au grand bazar des trottinettes
Le projet de la Mairie de Paris pour mettre fin au grand bazar des trottinettes
Par Denis Cosnard
Une charte va être signée lundi par les opérateurs. Ils devront respecter les emplacements définis par la mairie.
Des trottinettes électriques qui gisent sur les trottoirs, risques de collision… devant le mécontentement grandissant des piétons, la Ville de Paris a rappelé, en avril, qu’il était interdit de rouler sur les trottoirs et annoncé des sanctions. / JOEL SAGET / AFP
Le grand bazar des trottinettes à Paris, Emmanuel Grégoire, le bras droit d’Anne Hidalgo, est le premier à s’en agacer. Jeudi 9 mai, le premier adjoint de la maire de Paris s’est emparé d’un véhicule rouge et noir qu’il jugeait mal stationné, juste devant l’Hôtel de ville, et a invité son propriétaire, la société Dott, à venir le récupérer dans son bureau. « Un sagouin de vos services fait n’importe quoi en déposant de façon anarchique ses trottinettes, s’est énervé l’élu sur Twitter. Avec de tels comportements, nous ne pourrons que finir par demander l’interdiction. » La start-up fondée par deux Français s’est platement excusée.
Faut-il interdire les trottinettes électriques qui ont envahi la ville depuis un an, celles qui se prennent et se laissent un peu partout dans la ville ? A ce stade, la Mairie de Paris préfère encadrer leur usage. Tel est l’objet de la « charte de bonne conduite » que la Mairie propose de signer, lundi 13 mai, à la douzaine d’opérateurs déjà présents à Paris : Dott, mais aussi Lime, Bird, Voi, Bolt, Jump, Flash, etc. Ces sociétés devront en particulier cesser de poser leurs trottinettes n’importe où, et respecter les emplacements qui seront définis par la Ville de Paris.
Vingt mille trottinettes dans les rues de la capitale
Anne Hidalgo et son équipe espèrent ainsi mettre fin à la pagaille actuelle, tout en permettant à ceux qui le souhaitent d’utiliser ce mode de déplacement en plein essor. Bien sûr, l’apparition en un an de 15 000 à 20 000 trottinettes dans les rues de la capitale a provoqué des accidents, parfois graves, et fait pester les piétons, obligés de slalomer entre les engins laissés n’importe où. « Mais ces équipements servent aussi d’alternative à la voiture ou au métro, plaide Aymeric Weyland, un des créateurs du salon spécialisé Autonomy. Ils peuvent donc être utiles pour réduire les embouteillages, la congestion des transports en commun, et donc la pollution. »
Après avoir assisté à l’arrivée d’une série d’opérateurs sans vraiment réagir, en espérant que la future loi sur les mobilités réglerait les problèmes, la Mairie de Paris commence à fixer des règles du jeu. En avril, devant le mécontentement grandissant des piétons, elle a rappelé qu’il était interdit de rouler sur les trottoirs en trottinette électrique, et annoncé des sanctions. Les contrevenants s’exposent désormais à un procès-verbal de 135 euros.
Stationnement gênant : 35 euros d’amende
Le stationnement gênant est également verbalisé 35 euros, et les trottinettes en cause peuvent être envoyées en fourrière. Cela a déjà été le cas d’une centaine d’entre elles. « En pratique, comme on nous prévient avec retard et qu’il faut verser 10 euros de plus par jour, on paye souvent 100 euros ou davantage pour récupérer nos appareils », constate, amer, un exploitant.
La Mairie de Paris a aussi fait valider par les élus la création d’une taxe. Les entreprises devront bientôt acquitter 50 à 60 euros par trottinette placée en libre-service, au titre de leur stationnement sur le domaine public. Emmanuel Grégoire espère que cela incitera les exploitants à ne pas inonder Paris, dans cette période où tous cherchent à s’imposer sur ce marché émergent.
D’ici à la fin 2019, 2 500 places de stationnement
La « charte de bonne conduite » marque une étape supplémentaire. Les opérateurs devront maintenant garer leurs engins à des endroits sélectionnés, qui ne gênent pas les piétons, par exemple entre deux arbres. Environ 2 500 places devraient être disponibles d’ici à la fin 2019, espère la Ville de Paris.
Les signataires de la charte devront « mettre leurs trottinettes » dans ces emplacements « dûment spécifiés et répertoriés ». Ils s’engagent aussi « à faire en sorte que les usagers stationnent leur trottinette, une fois la course terminée, dans ces emplacements ». Si ce n’est pas le cas, « la Mairie de Paris se réserve le droit de verbaliser et de mettre les véhicules gênants en fourrière », indique le texte.
La charte demande aussi à Lime, Bird, etc., de sensibiliser leurs clients. Les opérateurs devront « inciter les usagers au port du casque » et « communiquer sur l’importance de faire attention aux piétons ». Ils devront également obtenir de la part de chaque utilisateur une attestation sur l’honneur indiquant qu’il est majeur et a souscrit une assurance.
Le texte prévoit également un dispositif pour que les trottinettes endommagées ou mal garées n’encombrent pas durablement les rues. Dès qu’un problème de ce type aura été signalé, par exemple grâce à l’application Dans Ma Rue, l’opérateur devra intervenir et récupérer l’engin.
Par ailleurs, les signataires du document acceptent de transmettre à la Mairie de Paris, en temps réel, une série de données sensibles, telles que le nombre de trottinettes en service, leur usage, la répartition des lieux de stationnement, les projets de déploiement, etc.
L’Etat s’apprête lui aussi à durcir la réglementation
Cette charte suffira-t-elle à calmer le jeu ? Certains en doutent. « C’est un premier pas, absolument indispensable pour le succès même de notre secteur, commente Stéphane MacMillan, le patron de Flash en France. Mais il manque un élément crucial, le volet social. Alors que tous nos employés sont en contrat à durée indéterminée, certains de nos concurrents travaillent uniquement avec des autoentrepreneurs, en exploitant la misère humaine. Cela devrait être pris en compte dans la charte. »
A ses yeux, plutôt que de laisser plus de dix concurrents en liberté presque totale, la ville devrait en sélectionner quelques-uns, à l’issue d’un appel à projet. C’est ce que fait la ville de Marseille. Un point de vue partagé par Marie-Claire Carrère-Gée, une des candidates à l’investiture Les Républicains pour les futures municipales.
En tout état de cause, l’Etat s’apprête lui aussi à durcir la réglementation. Un décret, annoncé pour septembre, prévoit de faire enfin entrer les trottinettes dans le cadre du code de la route. Les utilisateurs devront être âgés d’au moins 8 ans, et les moins 12 ans être équipés d’un casque. Il sera interdit de porter des écouteurs. Les utilisateurs devront circuler sur les pistes cyclables lorsqu’il y en a. A défaut, ils pourront emprunter les routes, sous réserve de ne pas dépasser 25 kilomètres par heure.