François Fillon, le 4 mars, aux Docks de Paris, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). | LAURENCE GEAI POUR LE MONDE

Editorial du « Monde ». Toutes proportions gardées, François Fillon a tempéré son propos. Mercredi 1er mars, ripostant à chaud à sa convocation annoncée par la justice en vue d’une possible mise en examen, il avait fustigé un « assassinat politique » perpétré contre lui. Quatre jours plus tard, après une démonstration de force devant une foule de militants rassemblés place du Trocadéro à Paris, il a dénoncé, à la télévision, un « hold-up démocratique ». C’est-à-dire, en bon français, un vol à main armée dans un lieu public : vol de candidature, vol d’élection, vol de victoire encore promise il y a peu, si l’on comprend bien.

Tout à son combat singulier, dos au mur et face à bon nombre de ses « amis » politiques, le candidat de la droite ne lésine pas sur les mots destinés à frapper les esprits de ceux qui le soutiennent encore, comme de ceux qui s’emploient à le décourager. Comme il l’a lui-même souligné, la violence des attaques dont il est la cible explique, si elle ne l’excuse pas, la virulence de ses réactions. Il reste qu’à l’analyser froidement, la situation de la droite et de son candidat relève moins de l’assassinat ou du vol avec violence que de l’accident industriel majeur.

Fillon terriblement affaibli

Un accident dont on peine à concevoir comment la droite peut le surmonter et en effacer les dégâts dans le temps qui lui reste d’ici au premier tour de la présidentielle. Le premier constat a été rappelé par François Fillon, dimanche soir. Calmement mais fermement, il a rappelé cette évidence qui s’impose et qu’il impose : « Personne ne peut m’empêcher d’être candidat. » Il est arc-bouté sur la légitimité de sa large victoire de la primaire de novembre 2016, fort des quelque 1 500 parrainages dont il dispose dès à présent, adossé au soutien rageur d’une partie encore significative de son camp, disposant des financements nécessaires pour poursuivre tant bien que mal sa campagne. Personne ne peut donc le faire renoncer sans son consentement.

Le deuxième constat ne relève pas moins de l’évidence. M. Fillon est terriblement affaibli par la tempête qu’il traverse depuis plusieurs semaines et le doute, pour ne pas dire la panique, s’est installé dans son camp. Ses partisans ont beau récuser les sondages d’intentions de vote, ceux-ci témoignent qu’il est, aujourd’hui, sérieusement menacé de ne pouvoir se qualifier pour le second tour de la présidentielle – une première pour le candidat de la droite depuis un demi-siècle. De même, il a beau brocarder cruellement tous ceux qui, par centaines depuis quelques jours, se détournent de lui, ces défections disent sans ménagement qu’il n’est plus porteur d’un espoir de victoire.

Le troisième constat devait être dressé, lundi, au fil d’une journée cruciale. Beaucoup des caciques de la droite souhaitent son retrait. Mais personne ne sait par qui, ni comment le remplacer au pied levé. La primaire de novembre avait tranché non seulement la question du candidat, mais aussi celle du projet qui serait défendu au printemps. Toute solution alternative reposerait ces deux questions cruciales dans les pires conditions.

Que François Fillon s’accroche contre vents et marées ou qu’il soit, on ne sait comment, poussé vers la sortie, la droite ne dispose que de mauvaises solutions pour tenter de sortir de l’impasse où elle se trouve. Personne ne saurait s’en réjouir, tant il est clair que la candidate du Front national est la première bénéficiaire de ce délitement.