Céline Sciamma. / AUDOIN DESFORGES / PASCO

Son premier long-métrage, Naissance des pieuvres, avait été projeté à Cannes, en 2007, dans la section Un certain regard. Sept ans plus tard, Bande de filles, son troisième (et dernier d’une trilogie qui compte aussi Tomboy, sorti en 2011), avait fait l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. C’est en Sélection officielle que se trouve, cette fois, Céline Sciamma, avec son nouveau et quatrième film, Portrait de la jeune fille en feu, annoncé comme une exploration des sentiments et du désir à travers la rencontre de deux femmes, Marianne (Noémie Merlant) et Héloïse (Adèle Haenel). L’une peintre, chargée de réaliser le portrait de mariage de la seconde à peine sortie du couvent. Laquelle, néanmoins, pour échapper à son avenir d’épouse, refuse de poser… L’histoire se passe à la fin du XVIIIe siècle, sur une île isolée de Bretagne.

Autrement dit un film en costume, joyeusement surprenant de la part d’une cinéaste qui s’était appliquée, jusqu’à présent, à scruter les errements sexuels et identitaires de l’adolescence, dans une société contemporaine. Et à qui tient surtout à cœur, dans son travail comme dans ses engagements, d’« interroger son époque ». Le dernier souvenir que l’on a d’elle à Cannes et qui remonte tout juste à l’année dernière, ne s’éloigne d’ailleurs guère du propos. Rappelons-nous : la photographie du collectif « 50/50 pour 2020 », pour laquelle elle avait posé sur les marches du Palais des festivals, aux côtés de quatre-vingt-deux autres femmes, afin de défendre la parité et l’égalité dans le monde du septième art. L’épisode l’avait profondément réjouie.

Ses « récréations »

Car le collectif, voilà bien une des grandes affaires de sa vie. Depuis toujours, Céline Sciamma aime les groupes de potes, les bandes de cinéma (comme celle qu’elle découvre, entre autres, dans les années 1990, à travers Desplechin, Podalydès, Beauvois), les manifestations qui la font descendre dans la rue, les équipes (elle en a créé une, de foot, avec des copines), les familles qui réunissent autour d’amitiés durables. Telles qu’elle a su en nouer avec les cinéastes Rebecca Zlotowski, Marie Amachoukeli, Julien Lacheray (qui deviendra son monteur) et Para One (qui signera la musique de ses films), tous rencontrés à la Fémis où elle fut admise en section scénario, après cinq ans d’études littéraires.

Cette appétence pour le collectif, qui tient à distance la tentation du repli sur soi, la conduit aussi à travailler pour les autres. Outre les conseils qu’elle prodigue à de jeunes cinéastes, elle a participé aux premières versions du scénario de la série Les Revenants (2012), a écrit le script de Ma vie de courgette (2015), de Claude Barras, et celui de Quand on a 17 ans, d’André Téchiné. Ces exercices qu’elle nomme « récréations » et qu’elle juge « salutaires » la soustraient, dit-elle, « à ses propres impulsions et propres désirs ». Ils la mettent à distance de ses projets personnels avant de finir par créer une frustration. Alors, elle réalise un film. Le dernier fruit de ce manque, Portrait de la jeune fille en feu, est attendu à Cannes.