Reprise des traitements, transfert, divisions politiques : ce qu’il faut savoir de l’affaire Vincent Lambert
Reprise des traitements, transfert, divisions politiques : ce qu’il faut savoir de l’affaire Vincent Lambert
Le Monde.fr avec AFP
La reprise des traitements étant acquise, les parents du patient réclament désormais son transfert, tandis que la classe politique oppose droit à la vie et droit à mourir dans la dignité ?
Pierre Lambert, le père de Vincent Lambert, à Reims, le 20 mai 2019. / BENOIT TESSIER / REUTERS
Drame familial devenu bataille judiciaire, la question de l’arrêt des traitements prodigués à Vincent Lambert, dans un état végétatif depuis son accident de la route en 2008, a connu un nouveau rebondissement lundi : la cour d’appel de Paris, saisie par les parents, opposés à l’arrêt des traitements, a ordonné dans la soirée leur reprise, effective mardi matin.
Les traitements ont repris
L’un des avocats des parents de Vincent Lambert, Me Jean Paillot, a confirmé mardi 21 mai que les traitements sur ce patient tétraplégique en état végétatif depuis dix ans avaient repris, au lendemain d’une décision de la cour d’appel de Paris ordonnant qu’ils soient rétablis. « Nous avons le plaisir de vous annoncer que le docteur Sanchez et le CHU ont remis en place l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert et ont arrêté sa sédation continue », s’est félicité Me Paillot devant la presse à la sortie de l’hôpital Sébastopol de Reims.
La cour d’appel de Paris avait ordonné lundi soir « à l’Etat français (…) de prendre toutes mesures aux fins de faire respecter les mesures provisoires demandées par le Comité international des droits des personnes handicapées (CDPH) le 3 mai 2019 tendant au maintien de l’alimentation et l’hydratation » de Vincent Lambert.
Cet arrêt est survenu alors que l’interruption des traitements avait commencée le matin même au centre hospitalier universiatire (CHU) sur décision médicale. Le CDPH, comité des Nations unies, avait demandé à la France de surseoir à l’arrêt des traitements dans l’attente d’un examen du dossier sur le fond, mais la France considérait que cette préconisation était « dépourvue de caractère contraignant », mettant en avant le « droit du patient à ne pas subir d’obstination déraisonnable ».
Les parents demandent le transfert de M. Lambert
Dorénavant, les parents de M. Lambert demandent sa prise en charge dans un autre établissement de santé.
« Ce n’est pas un sursis, c’est un nouveau départ. Le combat, à partir d’aujourd’hui, c’est le transfert de Vincent dans une unité spécialisée où il sera pris en charge de manière bienveillante par des spécialistes et non plus par ce CHU qui n’a fait de lui qu’un mort en sursis », a également déclaré l’autre avocat des parents, Me Jérôme Triomphe, reprenant une position maintes fois affirmée.
La mère du patient, Viviane Lambert, s’était exprimée dans le même sens plus tôt dans la matinée en arrivant au CHU : « Vincent va bien. Nous demandons qu’il sorte de cet hôpital. Vincent n’est pas en fin de vie. Regardez les vidéos. Tout se passe dans le regard. Vincent n’a besoin que de boire, manger et d’amour. »
La classe politique divisée
Les partis politiques sont divisés sur le cas de M. Lambert. La majorité campe sur une position d’équilibre, dénonçant la récupération politique de l’affaire, tandis que droite et gauche opposent droit à la vie et à droit à mourir dans la dignité.
Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place publique, a dénoncé sur Twitter les « images de liesse footballistique » des soutiens à la poursuite du traitement : elles « entrent directement dans le panthéon de l’indécence humaine (…) quoi qu’on pense de la décision prise hier » par la cour d’appel. Il a noté sur France 2 l’existence en Belgique d’une loi « qui aurait empêché ce calvaire » en donnant « la décision à la compagne et ensuite aux enfants majeurs s’il y en a et ensuite aux parents ». Cet exemple a également été mis en avant également par la tête de liste Europe Ecologie-Les Verts, Yannick Jadot, sur RTL.
Dans la majorité, le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, s’est dit « très choqué par les avocats qui dansaient, qui sautaient au plafond ». Il s’est prononcé sur Franceinfo pour que la question de la fin de vie fasse partie des révisions des lois bioéthiques. Pour l’épouse de Vincent Lambert, son neveu et cinq frères et sœurs, la poursuite des traitements relève de l’acharnement thérapeutique.
Nathalie Loiseau, tête de liste de La République en marche (LRM) a critiqué la « moindre récupération politicienne sur une tragédie familiale », elle a également attaqué François-Xavier Bellamy, tête de liste des Républicains (LR), qui avait demandé dès dimanche une prise de parole d’Emmanuel Macron sur le sujet, aussi souhaitée par la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen. « Je n’ai pas à m’immiscer dans la décision de soin et de droit qui a été prise dans le cas de Vincent Lambert », avait réagi le chef de l’Etat lundi, « profondément touché » par cette situation.
De son côté, M. Bellamy s’est dit heureux que le président soit intervenu, regrettant toutefois que sa déclaration ne se fasse pas sur le fond du dossier. La tête de liste LR aux européennes, s’est également félicité de la reprise des traitements, considérant que c’est la « question de notre relation à la dépendance » qui est en jeu dans cette affaire.
La loi Claeys-Leonetti de 2016 qui, tout en interdisant l’euthanasie et le suicide assisté, permet la suspension des traitements, fait aussi l’objet d’un débat. Nathalie Loiseau (LRM) et Jordan Bardella (RN) l’ont qualifiée d’équilibre, tandis que François-Xavier Bellamy s’est étonné des demandes de réécriture de la loi, s’inquiétant de personnes qui utiliseraient l’affaire pour promouvoir l’euthanasie.
« Si l’évolution de la loi doit avoir lieu, c’est par un référendum auprès des Français » pour poser la question de l’euthanasie, a de son côté réagi auprès de la presse Jean-Christophe Lagarde, au nom du groupe UDI-Agir. Pour Manon Aubry (LFI), le cas de Vincent Lambert « montre les limites de la loi actuelle ». Elle a déclaré sur France 2 que la législation française devait évoluer et évoqué le cas de la Belgique et du Luxembourg, « qui ont constitutionnalisé le droit à une fin de vie digne ».