« Inside Llewyn Davis » : perdant magnifique selon les frères Coen
« Inside Llewyn Davis » : perdant magnifique selon les frères Coen
Par Jacques Mandelbaum
Llewyn Davis (Oscar Isaac), musicien attaché à la pure tradition folk, traîne sa déveine dans le Greenwich Village de 1961.
Les frères Coen ont toujours oscillé entre une veine sardonique et une veine mélancolique, mélangeant souvent les deux. Les meilleurs de leurs films – le constat sera discuté, il n’en est pas moins irréfutable – sont ceux où la seconde domine, comme Inside Llewyn Davis, qui est sans doute le plus beau film qu’ils aient jamais réalisé. Comme souvent, un héros malheureux fait les frais du bonheur de l’œuvre. Il se nomme Llewyn Davis (Oscar Isaac), c’est un musicien et chanteur de folk exceptionnellement doué, qui traîne néanmoins sa débine dans le Greenwich Village de 1961.
Le film est l’évocation de quelques jours significatifs dans la vie de ce jeune homme sans feu ni lieu, errant dans un quartier hivernal, désaturé, maussade, qui semble porter la marque de son propre effacement. Entre deux concerts incertains et deux abris provisoires, ce jeune homme impavide tente de survivre à l’indifférence hostile qui l’accueille partout où il passe, tout en courant après un chat fugueur qui s’échappe à tout bout de champ.
A la fois amère et beau
Enumérer les avanies subies par ce faux barde gallois, c’est aussi bien prendre le risque de leur conférer une charge satirique que le film désamorce par la finesse de sa mise en scène. Citons, pour le folklore : se faire casser la gueule à la sortie d’un club, être exécré par l’ex-bonne amie Jean (Carey Mulligan), qui inaugure une nouvelle relation avec l’insipide Jim (Justin Timberlake), se faire pourrir tout le chemin par un musicien de jazz obèse et acariâtre (John Goodman)… Last but not least, assister aux débuts new-yorkais d’un petit nouveau qui chante beaucoup plus mal que lui : Bob Dylan chantant Farewell. Cette charnière finale, sur laquelle repose en vérité toute l’ambiguïté du film, est à la fois très amère et très belle.
Amère parce qu’elle oppose deux destins : Llewyn, incarnation d’une génération de puristes se produisant dans le Greenwich Village des années 1950, préférant l’ombre à la lumière, nourris d’une sourde contestation politique, dans la grande tradition du hobo, ce trimardeur qui sillonne le pays.
Beauté, parce que la figure de Llewyn Davis ne se résume pas à ce côté dindon de la farce. Quelle grandeur dans sa défaite, quelle émotion dans la tristesse de son chant (Hang Me, O Hang Me).
INSIDE LLEWYN DAVIS - Bande annonce finale - VOSTF
Durée : 02:00
Film de Joel et Ethan Coen, avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, John Goodman, Stark Sands, Justin Timberlake (E-U, 2013, 105 min). www.mycanal.fr/cinema/inside-llewyn-davis