Sélection albums : Mieczyslaw Weinberg, Tropical Jazz Trio, Plastic Mermaids…
Sélection albums : Mieczyslaw Weinberg, Tropical Jazz Trio, Plastic Mermaids...
A écouter notamment cette semaine : une collection d’oeuvres pour orchestre du compositeur polonais, un trio puisant aux sources du jazz, afro et latino, un feu d’artifice néo-psychédélique...
- Mieczyslaw Weinberg
Symphonies Nos 2 et 21
Gidon Kremer (violon), Kremerata Baltica, City of Birmingham Symphony Orchestra, Mirga Grazinyté-Tyla (direction).
Pochette de l’album « Symphonies Nos 2 et 21 », de Mieczyslaw Weinberg, par Gidon Kremer (violon), Kremerata Baltica, City of Birmingham Symphony Orchestra, Mirga Grazinuté-Tyla (direction). / DEUTSCHE GRAMMOPHON/UNIVERSAL MUSIC
Inutile de se pencher sur la biographie de Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) pour savoir qu’il a été proche de Dmitri Chostakovitch. Sa 2e Symphonie (1946) en témoigne quasiment à chaque page. Par ses brusques changements de ton (du lyrisme ingénu à la dérision mordante) et par ses références désaxées (la sacro-sainte petite valse qui tourne au cauchemar). L’œuvre n’est toutefois pas celle d’un épigone et elle possède un souffle authentique. Plus question de chercher les modèles, en revanche, à l’écoute de la 21e Symphonie « Kaddish », composée quarante-cinq ans après la 2e. Elle fait l’effet d’un ovni dans le ciel de son époque. Monument de solitude renouvelé avec passion pendant près d’une heure, elle laisse pantois. Comme la qualité de l’interprétation de ce disque, lumineuse pour la 2e Symphonie et sculpturale pour la 21e. Pierre Gervasoni
2 CD Deutsche Grammophon/Universal Music.
- Patrice Caratini, Alain Jean-Marie, Roger Raspail
Tropical Jazz Trio
Pochette de l’album « Tropical Jazz Trio », de Patrice Caratini, Alain Jean-Marie et Roger Raspail. / FRENCH PARADOX/L'AUTRE DISTRIBUTION
Trois musiciens de haut talent, de grande sensibilité, dans l’expression la plus forte de ce balancement qu’est le swing, forment ce Tropical Jazz Trio, qui donne son nom à leur album. Patrice Caratini, contrebasse, Alain Jean-Marie, piano, et Roger Raspail, percussions, en connaissances musiciennes et amicales depuis « quatre décennies », comme l’indique Caratini dans les notes de pochette. Jusqu’à ce premier album après de nombreux concerts. Leur inspiration, les sources africaines et latino-américaines, le jazz, par un répertoire qui mêle compositions originales, Morena’s Rêverie, Sambacara, de Caratini, Latin Alley, de Jean-Marie, Pytang Pytang Bang, de Raspail et Franck Curier… et reprises dont African Flower, de Duke Ellington, Senor Blues, de Horace Silver, Manteca, de Walter Fuller, Dizzy Gillespie et Chano Pozo. Le tout joué avec une attention à l’autre, à la musique, à la profondeur du son. Sylvain Siclier
1 CD French Paradox/L’Autre Distribution.
- The National
I Am Easy to Find
Pochette de l’album « I Am Easy to Find », de The National. / 4AD/BEGGARS
On ne pensait pas avoir de nouvelles de sitôt des rockers ténébreux de The National, leur précédent opus, Sleep Well Beast (récompensé par deux Grammy Awards) remontant à 2017. C’est pourtant avec l’album le plus dense et ambitieux de leur carrière que revient le quintet américain formé par le chanteur Matt Berninger et les fratries Dessner (les jumeaux multi-instrumentistes Aaron et Bryce) et Devendorf (le bassiste Scott et le batteur Bryan). A l’origine de ce huitième effort studio, une envie de collaborer avec le réalisateur Mike Mills (20th Century Women) autour d’un court-métrage. Au-delà du concept filmique, la démarche collaborative s’est rapidement étendue musicalement à des artistes féminines, dont l’écrivaine Carin Besser et la chanteuse Mina Tindle – épouses respectives de Matt Berninger et Bryce Dessner – mais encore les voix de Sharon Van Etten, Lisa Hannigan, This Is The Kit… Au final, I Am Easy to Find exhale une bouffée féminine d’air frais, augmentée d’arrangements choraux et de cordes (les bouleversants Rylan, Where Is Her Head et Light Years). Franck Colombani
1 CD 4AD-Beggars.
- Plastic Mermaids
Suddenly Everyone Explodes
Pochette de l’album « Suddenly Everyone Explodes », de Plastic Mermaids. / SUNDAY BEST/PIAS
Habitants de l’île de Wight, ces cinq jeunes gens donnent l’impression d’être tombés sur de vieilles réserves de champignons magiques cachées par les ancêtres hippies qui avaient colonisé le lieu à la fin des années 1960. Leur premier album, au nom (« Soudain tout le monde explose ») aussi évocateur que celui du groupe (« les sirènes en plastique »), célèbre ainsi un feu d’artifice néo-psychédélique pétaradant de circonvolutions chromatiques, habitées de poésie enfantine et de voix de lutins. Bien sûr, il est facile de tracer dans l’ADN de ces Britanniques les gènes des rénovateurs psyché-rock qui les ont précédés : Tame Impala, Grandaddy, MGMT, Temples et les pionniers des Flaming Lips. Mais les frères Jamie et Douglas Richards, coleaders des Plastic Mermaids au chant et aux synthétiseurs, flamboient avec suffisamment d’humour (le titre 10 000 Violins Playing Inside An Otherwise Empty Head), de fantaisie vitaminée (Yoyo) et de panache mélodique (les excellents singles 1996 et Floating in a Vacuum, aux clips loufoques) pour qu’on se joigne à leur « trip ». Stéphane Davet
1 CD Sunday Best/PIAS.
- Renaud Garcia-Fons & Claire Antonini
Farangi
Pochette de l’album « Farangi », de Renaud Garcia-Fons et Claire Antonini. / E-MOTIVE RECORDS/L'AUTRE DISTRIBUTION
Sur l’album Silk Moon (2014), enregistré en duo avec le joueur turc de vièle à archet kemance Derya Türkan, Renaud Garcia-Fons avait invité la théorbiste Claire Antonini. Elle intervenait sur une seule pièce, mais manifestement, leur complicité musicale et le mariage des timbres entre l’imposant luth baroque et sa contrebasse leur suggéraient d’aller plus loin. D’où cet album, dix-neuf courtes compositions signées (la plupart) ou arrangées par le contrebassiste et autant d’histoires naviguant entre Orient et Occident, de vagabondages, de possibilités de rêver. Un tissage brillant ouvrant une large palette de sentiments, de la mélancolie – A chaque instant, sur le mode persan mahoor, d’après le poème Ce que Tu es de la poétesse mystique kurde iranienne Malek Jân Ne’mati (1906-1993) – à cette légèreté dansante exprimée par la Chacone, inspirée d’une pièce pour luth de Ennemond Gaultier dit « Gauthier le Vieux » (1575-1651), ou la Pavane du Levant, un pas de danse lent et gracieux qui se termine par un rythme glissant vers Cuba. Patrick Labesse
1 CD e-Motive Records/L’Autre Distribution.