La Mairie de Paris est désormais dotée de son propre centre de données. Quatre ans après avoir initié la réflexion sur ce projet, le nouvel équipement est opérationnel. Il abrite à présent l’intégralité des données numériques des administrés de la capitale et des services de la municipalité. Leur transfert a été effectué entre juillet et octobre mais le lieu n’a été officiellement inauguré qu’au mois de mai.

Située dans le centre logistique de Chapelle International (18e arrondissement), à deux pas de la porte du même nom, cette installation est un motif de fierté pour la municipalité, dans un quartier qui fait plus souvent parler de lui pour ses camps de migrants et ses trafics en tous genres. Elle revêt surtout un caractère « stratégique », à en croire Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris chargé de la transformation des politiques publiques.

Alors que les services publics sont de plus en plus numérisés, ce nouvel équipement doit offrir les plus hauts standards de sécurité quant à l’hébergement des données. Il permet notamment à Paris, qui externalisait jusque-là cette prestation, de ne plus dépendre d’acteurs étrangers – possiblement soumis à des réglementations comme le Cloud Act, qui permet aux Etats-Unis de réclamer à des fournisseurs de service américains l’accès à des données stockées à l’étranger –, et de garantir ainsi la souveraineté des données. En outre, sauf missions ponctuelles, les équipements sont entièrement gérés par les services informatiques de la mairie. « Nous avons la maîtrise physique du stockage de bout en bout », se réjouit M. Grégoire.

Installé dans un sous-sol, le centre, d’une surface utile de 760 mètres carrés, abrite 300 serveurs physiques et 3 500 serveurs virtuels. A ce jour, la mairie dispose ainsi d’une capacité de stockage de 2,5 pétaoctets (2,5 millions de gigaoctets), un chiffre qui est appelé à croître régulièrement.

Empreinte environnementale limitée

Pour assurer une continuité de service, toutes les installations sont dédoublées. Les serveurs sont ainsi alimentés par des circuits reliés à deux centrales nucléaires différentes, et un générateur de secours assure une autonomie supplémentaire d’une semaine. Pour lutter contre les risques d’incendie, le lieu est équipé d’un système de sécurité permettant de saturer en azote la salle des serveurs pour mettre immédiatement fin à tout départ de feu, sans avoir à interrompre le fonctionnement du centre.

La mairie a également tenu à ce que cette installation ait une empreinte environnementale limitée. Manifestation la plus visible de cette volonté, la chaleur dégagée par le data center est utilisée pour alimenter le réseau de chauffage de bâtiments voisins.

Ce nouvel équipement a nécessité un investissement de 16 millions d’euros. Pour faire baisser la facture, la mairie a dimensionné le lieu de telle sorte qu’il puisse proposer à d’autres services publics d’accueillir leurs serveurs, moyennant finances – à un coût qu’elle assure avantageux. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et Eau de Paris comptent parmi ses premiers clients et des discussions sont en cours pour conclure de nouveaux contrats. Selon M. Grégoire, l’investissement devrait pouvoir être amorti d’ici huit ans, pour un site dont il estime qu’il pourrait être opérationnel pour 40 ou 50 ans encore.

Une telle solution pourrait-elle être adoptée par d’autres villes françaises ? L’adjoint au maire admet que le coût d’entrée est prohibitif et que Paris n’aurait pas pu faire ce choix s’il ne disposait pas des compétences en interne pour créer et maintenir ce site. Mais, veut-il croire, « c’est une philosophie qui est appelée à se développer ».