La réforme du règlement de l’Assemblée nationale tourne au psychodrame
La réforme du règlement de l’Assemblée nationale tourne au psychodrame
Par Manon Rescan
L’opposition a boycotté mercredi la réforme du règlement intérieur de l’Assemblée, examinée depuis lundi. Le texte vise à rendre les débats plus efficaces en consacrant une réduction du temps de parole dans l’hémicycle.
Deux salles, deux ambiances. Mercredi 29 mai à l’Assemblée nationale, à l’effervescence de la salle des Quatre-Colonnes, animée par l’opposition, répondait la quiétude des débats dans l’hémicycle. L’une faisait pourtant écho à l’autre. Les élus de cinq groupes parlementaires de droite et de gauche ont décidé de boycotter les discussions portant, pourtant, sur leur propre sort.
Les députés examinent depuis lundi la réforme du règlement intérieur de l’Assemblée qui leur a été soumise par le président de l’institution, Richard Ferrand (La République en marche). Après une nuit électrique qui s’est achevée par un premier départ de l’opposition de l’hémicycle, les débats se poursuivaient sans eux mercredi après-midi.
A 16 h 15, ces cinq groupes ont tenu une conférence de presse pour annoncer qu’ils ne siégeraient pas. Excepté le groupe LRM et le MoDem, seul l’hétéroclite groupe Liberté et territoire, un temps annoncé à la conférence de presse, avait retrouvé le chemin de l’hémicycle. « Nous ne participerons pas à une mascarade de débat », tempêtait le député Les Républicains (LR) Philippe Gosselin à la tête de cette guérilla transpartisane.
Limiter certaines fenêtres de prise de parole
Au cœur des reproches des députés, une proposition de règlement qui entend accélérer la procédure parlementaire, pour répondre notamment à l’inflation législative qui a cours depuis plusieurs années. Pour ce faire, le texte de Richard Ferrand prévoit de limiter certaines fenêtres de prise de parole dans les débats.
L’article qui a mis le feu aux poudres propose notamment qu’un seul orateur par groupe puisse prendre la parole lors de la longue discussion générale qui précède l’examen des articles d’un texte. C’est souvent l’occasion pour les parlementaires de donner leur vision globale du texte. Mais certains groupes revendiquent le droit d’avoir plusieurs prises de parole par groupe en raison de la multiplicité des tendances en leur sein. Ils s’indignent, en outre, de la volonté du président de l’Assemblée nationale de limiter ce temps à cinq minutes.
Quand bien même le texte faisait l’objet de négociations entre les présidents de groupe et Richard Ferrand depuis de long mois, certains espéraient encore une inflexion. Le chaudron de l’hémicycle a fait le reste. Mardi soir, les échanges ont tourné à la confrontation. Selon les groupes d’opposition, un compromis était tout près d’être trouvé avec le rapporteur du texte, le député MoDem Sylvain Waserman. Mais cela ne s’est pas traduit dans la tournure de la discussion. « Le président de séance n’en a pas tenu compte et a cassé la possibilité de se mettre d’accord », accusait mercredi après-midi André Chassaigne, président du groupe communiste.
Guerre des nerfs
Le « président de séance », qui dirigeait les débats depuis le perchoir, n’est autre que Richard Ferrand lui-même. Les échanges se sont tendus avec celui qui avait pourtant tenté d’avancer de manière consensuelle ces derniers mois. Les députés ont vu un président se « braquer », ont-ils répété. « Il n’a pas montré le côté le plus diplomate qu’il peut avoir », euphémise l’un de ses proches. Dans l’hémicycle, la guerre des nerfs est toujours synonyme de surenchère de l’opposition, qui a saisi cette occasion pour s’en prendre à la majorité.
Mercredi, l’heure était à la contre-offensive. Les collaborateurs du président de l’Assemblée étaient nombreux dans les couloirs du Palais-Bourbon pour déminer. « Il y a un vrai sujet de revanche après les élections européennes », lance l’un d’eux. Les députés de l’opposition « se disent : “On n’a pas réussi à se faire Macron, on va s’attaquer au pote de Macron” », ajoute-t-il. De son côté, le patron des députés LRM, Gilles Le Gendre, explique ne pas comprendre ce « boycott ». « Le texte a été discuté en amont avec tous les présidents de groupe, poursuit-il. Il y a eu des concessions à l’opposition. Nous voulons juste réformer le fonctionnement de l’Assemblée. C’est un procès politicien de l’opposition. » « Conservateurs de droite et de gauche sont unis malgré les attentes du peuple de France », renchérit le député de l’Eure (LRM) Bruno Questel.
Un temps, les négociations ont repris en début d’après-midi, M. Waserman proposant de nouvelles modifications au texte, sans convaincre. Son examen se terminait de manière accélérée mercredi soir, sans ses principaux contradicteurs.