Une maternelle plus exigeante à partir de la rentrée
Une maternelle plus exigeante à partir de la rentrée
Par Mattea Battaglia
La circulaire de rentrée 2019-2020 a été publiée au « Bulletin officiel ». Elle fixe de « nouvelles exigences » pour l’école maternelle, en passe de devenir obligatoire.
Le document insiste sur le « premier éveil à la diversité linguistique » qui doit bénéficier aux enfants dès le plus jeune âge, exposés « à des langues variées ». / FRED DUFOUR / AFP
Dans le calendrier scolaire, il y a des « temps forts » qui comptent pour les élèves et leurs parents : la rentrée des classes, les dates des vacances, les périodes d’examens… Pour les observateurs de l’actualité éducative, c’est la publication de la « circulaire de rentrée », printemps après printemps, qui concentre l’attention : ce document livre les orientations stratégiques pour l’année à venir. Le cadre des priorités pour l’institution.
Pour sa troisième rentrée en tant que ministre de l’éducation (la deuxième qu’il prépare), Jean-Michel Blanquer a choisi, dans la circulaire publiée mercredi 29 mai au Bulletin officiel, de donner la priorité au premier degré, et en particulier à la maternelle – qui deviendra obligatoire lorsque sera promulguée sa « loi pour une école de la confiance ». L’éducation nationale fixe aux trois premières années de la scolarité (de la petite à la grande section) de nouvelles exigences, en vue de « renforcer la préparation aux apprentissages fondamentaux ».
Ce document de dix pages dessine, année après année, de la petite section de maternelle au CM2, une politique, assumée, d’« élévation générale du niveau des élèves ».
En maternelle, de nouveaux objectifs en français, mathématiques et langues vivantes
« Enrichir le vocabulaire des élèves » est identifié comme l’un des « objectifs majeurs » dès l’école maternelle, par un enseignement « régulier et structuré » du langage. Le travail sur les « unités sonores » et la « construction d’une conscience phonologique » (la connaissance du nom des lettres et du son qu’elles produisent) est assumé mais présenté comme progressif, de la petite à la grande section de maternelle.
En mathématiques, aussi, transparaît le souci d’approfondir les stratégies d’enseignement dès les premières années d’école. « Les résultats de la recherche montrent que [ces] années sont déterminantes pour découvrir et intégrer les concepts essentiels de nombre, d’espace et de calcul », souligne la circulaire, en se référant aux conclusions de la mission Villani-Torossian sur le sujet.
Le document insiste sur le « premier éveil à la diversité linguistique » qui doit bénéficier aux enfants dès le plus jeune âge, exposés « à des langues variées ». Cet enseignement précoce des langues étrangères doit se faire par des « séquences courtes » et régulières. Publiée avec la circulaire, une « recommandation » précise les modalités de cette « ouverture » à des langues différentes.
Une maternelle transformée en « antichambre du CP », comme le redoutent déjà certains syndicats et associations d’enseignants ? Devançant la critique, la circulaire insiste sur la « sécurité affective » des élèves, la « qualité de l’accueil » des parents instaurés durant ces premières années de la scolarité. « Derrière la réussite de chaque élève, il y a un discours bienveillant porté par un adulte attentionné et soucieux de le mener au meilleur de lui-même », peut-on y lire. Elle n’occulte pas la question, si sensible entre 3 ans et 6 ans, des rythmes des enfants : le document prévoit que l’emploi du temps des écoliers (vingt-quatre heures hebdomadaires, dès la petite section) puisse être aménagé « quand les plus jeunes enfants ont encore besoin de dormir l’après-midi ». Il est question d’« enrichir » la formation des professeurs débutant dans les plus petites classes ; il est question, aussi, de formations « associant » les professeurs des écoles et les Atsem, ces agents territoriaux qui jouent un rôle majeur dans l’accueil des plus jeunes enfants.
En élémentaire, des « priorités stratégiques », classe par classe
Du CP au CM2, la circulaire de rentrée assigne les objectifs, précise les façons de faire et décline des paliers – sortant, en partie, de la logique des cycles (de trois ans) valorisée jusqu’à présent.
Au CP, en mathématiques, il est question de « manipulation, de jeu et de calcul mental au quotidien ». « Le rythme d’apprentissage doit être suffisamment soutenu pour que les nombres jusqu’à 100 soient abordés au plus tard en quatrième période d’année scolaire », souligne le document.
Concernant le français, l’« enjeu de cette classe » est de conduire « au plus vite » les élèves à « automatiser les procédures de décodage, à accéder à une lecture autonome et à une compréhension de ce qu’ils lisent ». L’enseignement de la lecture et de l’écriture implique un « travail quotidien d’au moins deux heures ». La lecture à haute voix est une compétence travaillée « au quotidien dès le début du deuxième trimestre ». Elle doit permettre d’atteindre « l’objectif d’une lecture d’au moins cinquante mots à la minute en fin de CP ». Des objectifs chiffrés et une accélération du tempo qui ne manqueront pas de faire débat, alors que bon nombre d’enseignants défendent une acquisition plus progressive de la lecture.
Pour le CE1, priorité est donnée au calcul mental et à la mémorisation, à la lecture et l’écriture sur des « temps cours et réguliers ». « La compréhension des quatre opérations conduit à résoudre des problèmes de plus en plus variés », précise la circulaire, comme si les quatre opérations, à ce stade, étaient déjà maîtrisées.
En CE2, l’étude de la langue est « quotidienne », les textes lus sont « de plus en plus longs » ; « le calcul mental vient renforcer la maîtrise de la numération décimale », précise la circulaire. Les deux dernières années d’élémentaire, CM1 et CM2, veillent à « consolider les automatismes ». Il est question de « dictée quotidienne sous différentes formes », de « copie de leçons ». Les nombres décimaux et les fractions sont mis à l’honneur en cette fin de scolarité primaire.
La publication de la circulaire de rentrée s’accompagne de trois documents d’accompagnement, centrés sur la maternelle. L’un porte sur cette « école du langage » à déployer, un deuxième sur la découverte des nombres et de leurs utilisations, un troisième sur les langues vivantes étrangères.
Des critiques du syndicat SNUipp-FSU
« La maternelle n’est plus le lieu de la manipulation, de l’expérimentation, mais se recentre sur les apprentissages préparatoires à l’école élémentaire », regrette Francette Popineau, porte-parole du syndicat d’enseignants SNUipp-FSU, majoritaire au primaire. L’institution, selon elle, tourne le dos aux programmes de 2015 et 2016. La syndicaliste dénonce, par ailleurs, à la lecture de la circulaire, une « conception étriquée » de l’enseignement primaire « réduit aux fondamentaux » – lire, écrire, compter, auxquels M. Blanquer ajoute « respecter autrui ».
M. Blanquer favorable à l’abandon du projet des regroupements écoles-collèges
C’était l’un des points les plus polémiques du projet de loi Blanquer, contre lequel bon nombre d’écoles, en milieu rural comme à Paris, se sont mobilisées : le projet d’« établissements publics des savoirs fondamentaux » introduit dans le texte de loi par un amendement La République en marche déposé à l’Assemblée nationale et retiré lors de sa discussion au Sénat, n’a pas les faveurs du ministre de l’éducation. Ce dernier l’exprime clairement dans l’entretien qu’il a donné à La Croix, mercredi 29 mai : « Les débats ont montré que le sujet [des regroupements école-collège] n’était pas mûr. (…) Certains l’ont caricaturé. (…) Dans un tel contexte, je préférerais que cette disposition soit écartée », souligne-t-il. Le projet de loi « pour une école de la confiance » doit être examiné en commission mixte paritaire, le 13 juin.