Moussa Sissoko à Amsterdam, le 8 mai. / Action Images via Reuters/Matthew Childs

Sa récente élection comme « meilleur joueur de la saison » par d’anciennes gloires de Tottenham ne doit rien au hasard. A 29 ans, le milieu français Moussa Sissoko est l’un des éléments clés du club londonien, qui affronte Liverpool lors de la finale 100 % anglaise de la Ligue des champions, samedi 1er juin, à Madrid. Les fans des Spurs ne sont pas les seuls à tresser des lauriers au natif du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).

« Il se donne toujours à 200 % », a coutume d’insister son entraîneur, l’Argentin Mauricio Pochettino, chantre d’un style de jeu spectaculaire mâtiné de « grinta » sud-américaine. Une philosophie qui colle bien au profil du joueur. Avec sa grande carcasse (1m87) et des qualités athlétiques au-dessus de la moyenne, Moussa Sissoko a été l’un des héros de la qualification homérique (victoire 1-0 à l’aller/défaite 3-4 au retour) de Tottenham contre Manchester City, en quarts, puis du miraculeux retournement de situation face à l’Ajax (défaite 1-0 à l’aller/succès 3-2 au retour) en demies.

Pourtant, à son arrivée chez les Spurs, en août 2016, Mauricio Pochettino était nettement moins bienveillant à son égard. « Sissoko doit travailler davantage et me montrer à l’avenir qu’il mérite d’être dans l’équipe », confiait l’Argentin à propos du colosse, transféré de Newcastle contre 35 millions d’euros. A force de travail et d’acharnement, l’ex-capitaine des « Magpies » (2013-2016) a fini par se mettre son entraîneur dans la poche et à se faire une place au sein de son dispositif.

« Il ne lâche jamais »

« Moussa, c’est du pain béni pour un entraîneur, estime Elie Baup, qui l’a lancé dans le grand bain professionnel à Toulouse, à l’été 2007. De par sa mentalité et son abattage, on sait qu’on peut compter sur lui quoi qu’il se passe, poursuit le technicien. Il ne lâche jamais. C’est un grand professionnel : il a des qualités d’assiduité, d’écoute, de concentration. Pour lui, rien n’est jamais définitif dans un sens ou dans l’autre. »

Pour l’ex-entraîneur du TFC (2006-2008), où Moussa Sissoko a été formé (2002-2013), « la Premier League lui correspond bien car il a une capacité à répéter les efforts et les courses à haute intensité, à être là jusque la 95e minute, au moment où il y a des retournements de situation ». Un profil de milieu « box to box » – qui couvre la zone de sa propre surface de réparation jusqu’à celle du camp adverse – dont profitent les Spurs, réputés pour leur solidité et leur organisation.

A Toulouse, Elie Baup avait été sensible « au fort potentiel » du joueur, « à sa discipline, sa faculté à se projeter vers l’avant et son idée du jeu ». Il l’avait rapidement intégré à l’équipe professionnelle. Sur une pente ascendante, le milieu du TFC est convoqué en équipe de France à 19 ans, en août 2009, par le sélectionneur Raymond Domenech. En octobre, il honore la première de ses 56 sélections contre les Iles Féroé.

Un mois plus tard, il assiste, depuis le banc des remplaçants, à la faute de main de Thierry Henry contre l’Irlande, lors du barrage retour qui offre aux Bleus une qualification au Mondial 2010, en Afrique du Sud. Moussa Sissoko n’est pas retenu pour la compétition, marquée par le fiasco des Tricolores, éliminés au premier tour, et surtout par l’épisode tragicomique de la grève de l’entraînement dans leur camp de base de Knysna. S’en suit une traversée du désert relative. Le milieu manquera l’Euro 2012, sous l’ère Laurent Blanc, mais explosera lors de la Coupe du monde 2014, au Brésil, notamment lors d’une victoire (5-2) contre la Suisse.

Depuis son intronisation à la tête des Bleus, en juillet 2012, Didier Deschamps a les yeux de Chimène pour le joueur, très polyvalent et enclin à se départir de son étiquette d’éternel « joker ». Moussa Sissoko brille à l’Euro 2016, lors duquel il gagne une place de titulaire au détriment de N’Golo Kanté. Ses performances de haut vol, en finale, ne permettent toutefois pas aux Bleus de battre le Portugal, vainqueur du tournoi (1-0, après prolongations). Son parcours en sélection va ensuite suivre une courbe sinusoïdale.

« Je n’ai peur de personne »

Souvent appelé en 2017, il n’est pourtant pas retenu l’année suivante dans la liste des 23 joueurs qui vont remporter la Coupe du monde, en Russie. A l’automne, son retour au premier plan avec Tottenham lui vaut d’être rappelé par Didier Deschamps. Depuis, il n’a plus quitté le groupe et a été sélectionné pour les matchs qualificatifs à l’Euro 2020 prévus contre la Turquie, le 8 juin, et Andorre, trois jours plus tard.

« Son profil correspond à ce que cherche Didier Deschamps : un joueur qui est toujours là, qu’il joue ou pas. Moussa reste dans une logique de respect du groupe. Il est toujours dans l’effort pour le collectif, avec cette grinta, développe Elie Baup. Il apporte ce petit plus par sa performance. Il rentre, ne débute pas un match mais va, au fil des rencontres gagner sa place. C’est le parfait joueur de club, d’équipe. Il en faut en sélection. »

D’une discrétion à toute épreuve, Moussa Sissoko a choisi de confier ses intérêts à son oncle, Bakary Sanogo, qui est son agent. « Il reste fidèle à ses ex-entraîneurs et anciens coéquipiers de clubs plus modestes, il est dans une logique de partage de sa réussite », considère Elie Baup. Pour son ancien entraîneur, l’exercice 2018-2019 constitue « l’un des meilleurs moments de sa carrière ».

Avec son coéquipier et compatriote Hugo Lloris, gardien et capitaine des Spurs et des Bleus, Moussa Sissoko tentera de renverser les Reds de Liverpool, désireux de remporter la Ligue des champions après leur défaite, la saison passée, en finale (3-1) contre le Real Madrid. « Je n’ai pas peur de Liverpool, ni d’aucune autre équipe, a lancé le milieu de Tottenham avant la rencontre. Je n’ai peur de personne. Il faudra les challenger et faire de notre mieux. Si on y parvient, on peut battre tout le monde. » Pour le « soldat Sissoko », un sacre européen couronnerait une saison presque parfaite.