La French-African Foundation choisit 30 jeunes leaders pour « construire des ponts »
La French-African Foundation choisit 30 jeunes leaders pour « construire des ponts »
Par Maryline Baumard
« Intellectuels », « inspirants », « rassembleurs »… Ces ambassadeurs au parcours prometteur doivent contribuer à « écrire autrement l’avenir des relations entre la France et l’Afrique ».
L’équipe de la French-African Foundation, à Paris. / French-African Foundation
Ils les appellent « la relève ». Plus officiellement, ils sont les 30 ambassadeurs 2019 de la toute jeune French-African Foundation. Issus d’une vingtaine de pays du continent, ils ont moins de 40 ans et un parcours assez prometteur, déjà, pour se voir offrir un accélérateur de leur carrière intercontinentale. « Parce qu’il y a urgence à écrire autrement l’avenir des relations entre la France et l’Afrique et qu’il nous faut une nouvelle génération de leaders qui construisent des ponts », indique l’ingénieur et économiste franco-béninois Khaled Igue, co-créateur du projet.
Ce lundi 3 juin, donc, seize femmes et quatorze hommes, parmi les 2000 qui avaient postulé, vont découvrir leur nom sur la prestigieuse liste des French-African Young Leaders (les leaders franco-africains). En plus d’un suivi sur l’année, ils bénéficieront d’une semaine à Paris et d’une autre au Ghana, pour baigner ensemble dans un écosystème le plus inspirant possible. « Il y aura des rencontres avec leurs aînés, grands industriels, politiques ou artistes ; une aide aussi pour affirmer plus encore leur leadership », précise Kiné Seck Mercier, Franco-Sénégalaise de 34 ans, consultante chez Egon Zehnder et membre du comité de sélection.
Des profils « hors normes »
Ces ambassadeurs qui ont un pied sur chaque continent ne rentrent dans aucune case et n’ont pas un profil type. « On a sélectionné des personnes qui sont toutes exceptionnelles, hors normes, mais ne se ressemblent absolument pas. Toutes auraient à coup sûr réalisé de grandes choses sans notre aide. Mais nous leur apportons un réseau et un coup de pouce », explique Khaled Igue.
Pas grand-chose de commun, en effet, entre le Burundais qui, après avoir constaté son impuissance face au mariage précoce de sa très jeune nièce, a décidé de lever de l’argent pour mettre en place un dispositif permettant de maintenir ces fillettes à l’école ; la jeune Nigériane diplômée de Harvard ; la Française polytechnicienne qui a déjà une carrière internationale et en tête des projets d’infrastructures ; le militant malgache ; ou le gestionnaire de fonds d’investissement marocain.
« Si tous sont de vrais leaders, ils n’œuvrent pas sur le même terrain », rappelle Kiné Seck Mercier. Le jury a d’ailleurs veillé à panacher les « intellectuels » avec les « inspirants » ou les « rassembleurs ». La liste sélectionnée casse aussi les clichés, car ceux qui s’imaginaient qu’une fondation franco-africaine allait privilégier l’Afrique de l’Ouest vont tomber de haut en voyant le nombre d’anglophones représentés (avec notamment des ressortissants du Nigeria, du Ghana et du Kenya).
Haut patronage présidentiel
Avec son CV à rallonge, Khaled Igue, 36 ans, est lui-même un ex- « Young Leader » de la fondation AfricaFrance (dissoute en 2018). C’est justement parce qu’il a bénéficié de ce programme que le Franco-Béninois a souhaité voir la formule revivre. Avec trois autres Young Leaders 2017 (dont la Kényane Yvonne Mburu, du Conseil présidentiel pour l’Afrique), ils ont recréé une fondation moins marquée politiquement que la précédente (AfricaFrance était dirigée par Lionel Zinzou, candidat malheureux à la présidence du Bénin en 2016).
Cette création a été pensée sur le modèle de la French-American Foundation. Une véritable institution qui lie Paris à Washington depuis 1976 pour renforcer les liens et donner un cadre au « soft power ». C’est d’ailleurs cette fondation, très influente, qui a popularisé le concept des « young leaders ». La franco-américaine comme la franco-africaine sont toutes deux financées par des entreprises, et la nouvelle-née a obtenu le haut patronage des présidents français et ghanéen, Emmanuel Macron et Nana Akufo-Addo (qui laisseront la place l’an prochain à un patronage africain tournant).
Le président Macron, qui appelait de ses vœux l’écriture d’une nouvelle page entre la France et le continent, allégée du poids du passé, ne pouvait qu’applaudir à cette initiative tout à fait en ligne avec son discours de Ouagadougou, le 28 novembre 2017. Comme le rappelle Khaled Igue, « il s’agit de contribuer à l’ouverture des esprits nécessaire aujourd’hui et sans doute plus encore demain, dans un monde dont nous ignorons les contours ». Si l’opération Young Leaders 2019 réussit, « cette promotion terminera son année en ayant construit un objectif commun, et des duos, voire des trios, se seront construits pour travailler ensemble de façon complémentaire », rappelle celui qui est aussi président du think tank Club 2030 Afrique, qu’il a créé à 28 ans.
« Des moments forts et riches »
En attendant, Khaled Igue et Kiné Seck Mercier se félicitent déjà des rencontres exceptionnelles qu’ils ont faites dans le cadre de cette sélection. « Ces entretiens ont été des moments forts et riches qui, parfois, ont même interrogé mon rapport au continent », raconte la jeune femme. « Quand un jeune Français installé au Ghana nous raconte comment il a fait le tour des villages les plus reculés pour enregistrer les sonorités traditionnelles afin qu’elles ne se perdent pas, je suis restée interloquée et me suis interrogée sur ce que moi, je faisais pour la préservation des coutumes de mon pays », rapporte la consultante qui a grandi au Sénégal avant d’entamer des études à l’international, sélectionnée par un programme réservé aux plus brillants bacheliers de son pays.
Les 30 French-African Young Leaders sont : Adan Abbey (Somaliland), Wande Abe (Nigeria), Delphine Adenot-Owusu (France), Magalie Anderson (Côte d’Ivoire), Tatianna Lukama Binda (RDC), Sarah Bouhassoun (Algérie, France), Nelson Mendela Camara (Mali, France), Max Cuvellier (France), Sandrine de Guio (France), Sidi Mohamed Dhaker (Mauritanie), Melissa Etoke Eyaye (Cameroun, France), Jimmy Kalombo (Afrique du Sud), Yann Kasay (Madagascar, France), Gwamaka Kifukwe (Tanzanie), Khady Koné Dicoh (Côte d’Ivoire, France), Sanae Lahlou (Maroc), Benjamin Lebrave (France, Etats-Unis), Gérardine Mahoro (Rwanda), Vladimir Mendes Borges (Cap-Vert, France), Landry Mugisha (Burundi), Brian Mutebi (Ouganda), Charlène Ntsiba (RDC, France), Zippora Okoth (Kenya), Linda Olagunju (Afrique du Sud), Mathieu Rabarinirina (Madagascar), Maxine Reinforf-Partey (Ghana), Japhet Sekenya (Tanzanie), Kamil Senhaji (Maroc, France), Fatoumata Sy (Sénégal), Lynda Tezkratt (Algérie, France).