France 2, jeudi 13 juin à 23 h 35, documentaire

Souvent critiqué, parfois menacé, le journal télévisé reste pourtant, à bientôt 70 ans, le rendez-vous incontournable de 20 heures pour une douzaine de millions de téléspectateurs français. Un anniversaire fêté – avec quinze jours d’avance – par France 2 lors d’une soirée spéciale animée par les piliers de l’info Anne-Sophie Lapix et Laurent Delahousse, entourés de nombreux confrères, tels le recordman de la longévité Patrick Poivre d’Arvor, la « reine » Christine Ockrent, Claire Chazal, David Pujadas, Marie-Laure Augry… Ensemble, ils commenteront les grands moments de l’actualité télévisée, choisis par les internautes sur le site 70ans-JT de l’INA. Avant de découvrir, en deuxième partie de soirée, une pépite documentaire, « Il était une fois le journal télévisé », bourrée d’érudites anecdotes.

Ah ! la « grand-messe » de l’information tant moquée ! Le mécréant apprendra que le terme, utilisé innocemment pour se moquer, n’est pas sans fondement, puisque le premier direct diffusé dans les petites lucarnes est la messe de Noël de 1948, retransmise depuis Notre-Dame de Paris. Le père Pichard, à l’origine du projet, est d’ailleurs considéré comme un des trois piliers fondateurs de l’actualité télévisée. Il faut par ailleurs avoir la foi pour croire dès 1946 que la télévision, soit 160 techniciens travaillant sur du matériel abandonné par les Allemands dans un petit immeuble de la rue Cognacq-Jay, a un avenir. Un journaliste radio de 26 ans, Pierre Sabbagh, y croit, persuadé qu’il faut donner « à montrer » l’actualité (et non plus seulement à entendre), et en direct. Un troisième homme, politique cette fois, va catalyser ces balbutiements : François Mitterrand signe le décret instaurant la Radio télévisée française (RTF) le 9 février 1949.

A lendemain du premier JT du 29 juin 1949, presque aucune réaction dans la presse, excepté « Le Monde » qui perçoit le potentiel du nouveau média. / FRANCE 2

Tout est à inventer

A partir de là, l’histoire est plus connue – du moins des plus vieux. Pierre Sabbagh constitue une équipe de choc : Pierre Tchernia, Georges de Caunes, Claude Darget, Pierre Dumayet… Le premier journal télévisé sort le 29 juin 1949. Tout en images, il est astucieusement calé à la veille du départ du Tour de France. Moins connu est l’accident de montgolfière de l’équipe de tournage qui va marquer cette première et priver toute la France d’électricité.

Faut-il pour autant désacraliser le JT ? Le doute est permis lorsque l’on apprend que les premiers téléspectateurs qui ont suivi l’ascension du cycliste Louison Bobet dans le col de l’Izoard ont en réalité regardé un autre coureur (de dos), la moto du cameraman s’étant fait distancer par le futur triple vainqueur du Tour. Un petit arrangement que Pierre Sabbagh assumera plus tard avec aplomb : « C’était une vérité qui n’en était pas une. C’était quand même la vérité. » Et ce n’est pas tout. La bande de jeunes journalistes s’en donne à cœur joie. Ils inventent un M. Schwartzenberg, pseudonyme qui remplace tous les patronymes inconnus. L’air de rien, ils sont en train de « révolutionner le moyen d’informer ».

Tout est à inventer – déontologie incluse –, du faux coup de fil à Guy Mollet, président du Conseil, en plein entretien avec Pierre Sabbagh (encore), à la retransmission en direct et sans coupure de l’accident lors des 24 Heures du Mans du 11 juin 1955, qui tua 84 personnes. François Chalais interroge après coup les téléspectateurs : « Sommes-nous des courtiers en chair encore tiède ? » Le film s’arrête avec la fin du tout-image et l’arrivée d’un nouveau personnage, le présentateur, le « grand prêtre ».

Il était une fois le journal télévisé, de Jimmy Leipold (Fr., 2019, 60 min). www.france.tv/france-2