Mort de Zineb Redouane : l’enquête est dépaysée pour éviter « une forme de suspicion »
Mort de Zineb Redouane : l’enquête est dépaysée pour éviter « une forme de suspicion »
Par Mustapha Kessous
Le tireur de la grenade lacrymogène qui a blessé une Algérienne de 80 ans en marge d’une manifestation de « gilets jaunes » à Marseille, n’a pas été identifié malgré six mois d’investigations.
Manifestation après la mort de Zineb Redouane, une Algérienne de 80 ans blessée au visage par une grenade lacrymogène en marge d’une manifestation de gilets jaunes, le 1er décembre 2018, à Marseille. / GERARD JULIEN/AFP
Après un premier avis défavorable, le procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, Robert Gelli, a indiqué au Monde le dépaysement de l’enquête sur le décès de Zineb Redouane, survenu le 2 décembre 2018, lors d’une opération à l’hôpital de la Conception à Marseille.
La veille au soir, cette Algérienne de 80 ans avait reçu une grenade lacrymogène en pleine figure en marge d’une manifestation des « gilets jaunes » alors qu’elle était en train de fermer les fenêtres de son appartement situé au quatrième étage de son immeuble.
« Au moment de la manifestation, un magistrat du parquet était présent aux côtés des forces de l’ordre, ce qui en soit n’a aucune incidence sur les faits, mais peut créer une forme de suspicion, explique le magistrat Robert Gelli. C’est un élément que j’ignorais jusqu’alors et qui me gêne un peu. Je considère que la sérénité de la poursuite de l’information à Marseille risque d’être perturbée. Autant anticiper des polémiques inutiles. »
« Fausses informations »
C’est une première victoire pour la famille de Mme Redouane qui considérait que l’enquête, suite à l’information judiciaire ouverte le 4 décembre 2018 pour « recherche des causes de la mort », était « catastrophique », selon l’avocat Yassine Bouzrou. Pour la relancer, Me Bouzrou avait porté plainte, en avril, pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » en demandant un dépaysement de l’affaire, car « la juridiction de Marseille semble protéger le policier dans la mesure où aucun tireur n’a été identifié », atteste-t-il, et ce malgré la présence d’une caméra de la ville.
Le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux, avait, au lendemain du décès, estimé que la mort de Mme Redouane résultait « d’un choc opératoire et non d’un choc facial », ajoutant qu’« à ce stade, on ne [pouvait] pas établir de lien de cause à effet entre la blessure et le décès ». « C’est une honte qu’un procureur de la République divulgue des fausses informations à la presse en toute connaissance de cause », assène Me Bouzrou.
« Contrairement à ce qui a été rapporté, il n’a jamais été question de nier qu’elle a reçu un projectile au visage, cette blessure est indiscutable, souligne M. Tarabeux. La question est de savoir si son décès a pour origine l’intervention chirurgicale compte tenu de ses antécédents médicaux lourds. »
Plus de six mois après le décès de Mme Redouane, l’enquête n’a pas avancé et le policier n’a toujours pas été identifié.