Reprise : les « Monstres » de Dino Risi sont de sortie
Reprise : les « Monstres » de Dino Risi sont de sortie
Par Jacques Mandelbaum
Composé d’une vingtaine de sketchs plus amoraux les uns que les autres, le film du réalisateur italien revient en salle, en version restaurée.
Fatigué, en tant que psychiatre, de soigner des gens qui ne guérissaient pas, Dino Risi (1916-2008) s’est converti au cinéma, où le nombre de spectateurs qui se sont divertis de leur mélancolie, en regardant ses films, est inquantifiable. Risi le pressentait-il, lui qui entra dans la carrière par un court-métrage (L’Obscurité dans la salle), qui mettait précisément en scène l’histoire d’un voyageur de commerce déprimé sortant guéri d’une séance ?
En tout état de cause, cet humaniste grinçant, à l’occasion méchant comme une teigne, poussant l’imbécillité et le sordide dans les confins de la surréalité, a marqué de son sceau la comédie à l’italienne, accompagné les mutations violentes et pathogènes, destructrices de traditions et de sociabilité, du miracle économique du même nom. Les Monstres (1963), film d’une vingtaine de sketchs en noir et blanc enlevés à la truelle, qui ressort aujourd’hui en version restaurée, est considéré comme un des fleurons du maître.
Médiocrité humaine
Deux génies – ajoutés à celui du réalisateur – prêtent leur corps à cette expérience terrassante menée sur le terrain de la médiocrité humaine. On a nommé Ugo Tognazzi et Vittorio Gassman, qui témoignent ici, soutenus par quelques prothèses et un sens aigu du travestissement, d’une plasticité et d’une ubiquité remarquables.
Victorio Gassmann, debout, et Ugo Tognazzi, assis, dans « Les Monstres » (1963), de Dino Risi. / SPLENDOR FILMS / SOLARIS DISTRIBUTION
Dix-neuf films donc, partagés entre courts et mini-métrages – disons entre alexandrin et haïku –, qui déblaient sans ménagement tous les corps constitués nationaux : famille, police, politique, Eglise. Et les maux qui vont avec : trahison, vol, cupidité, abrutissement, concussion, hypocrisie. La collection est certes inégale, mais jouit d’un effet d’entraînement. D’un sketch à l’autre, on s’impatiente de savoir quelle viande sociale plus ou moins avariée passera sous le hachoir de Risi.
Décortiquons un seul exemple, celui de La Bonne Education, qu’on trouve en lever de rideau. Ugo Tognazzi y campe un petit-bourgeois administrant à son rejeton, avec un sens du devoir exemplaire, une interminable leçon d’incivisme. Comment gruger ses semblables, comment truander dans la queue de la fête foraine, comment prendre les sens interdits pour gagner du temps… Un compendium d’immoralité enseigné avec la conscience du travail paternel bien fait. Dix ans plus tard, le fils modèle fait la manchette des journaux : « Il a tué son père après l’avoir volé ». En voici un de gâché pour qui découvrirait aujourd’hui le film, il en reste heureusement dix-huit autres, plus ou moins à l’avenant, à redécouvrir.
Extrait - Les Monstres
Durée : 02:55
Film italien de Dino Risi (1963). Avec Ugo Tognazzi et Vittorio Gassman (2 h 01). www.splendor-films.com/items/item/611 et www.solaris-distribution.com/les-monstres