« Le Grand Bazar » : portrait d’une famille recomposée
« Le Grand Bazar » : portrait d’une famille recomposée
Par Martine Delahaye
Baya Kasmi signe une comédie en six épisodes rythmée et enjouée, aux dialogues savoureux.
Peut-être la comédie familiale à la française Fais pas ci, fais pas ça (2007-2017) aura-t-elle une « descendance ». Le Grand Bazar apparaît en avoir le potentiel, au vu de cette saison : des personnages bien campés, des possibilités de rebondissements vaudevillesques à foison, une écriture acérée.
Passé une scène d’ouverture caricaturale – où un bébé commente avec une voix d’homme, en off, son arrivée au monde –, et après un premier épisode peu réussi, Le Grand Bazar brosse le vivant portrait d’une famille recomposée d’aujourd’hui. Un peu dans le ton de Scènes de ménage, le programme de M6 sur le quotidien de couples d’âges différents.
Ses deux personnages principaux, Samia et Nicolas Rousseau-Bensaïd, interprétés par Nailia Harzoune et par Grégory Montel (primé pour ce rôle au festival Séries Mania 2019), forment un couple « mixte » qui vient d’avoir son premier bébé. Mais la série ne saurait s’en tenir à leur nouvelle vie à trois, puisque chacun d’eux a déjà des enfants d’une précédente union, ainsi que des parents très présents – pour ne pas dire intrusifs –, des ex-beaux-parents qui estiment avoir leur mot à dire en tant que grands-parents, sans oublier leurs ex, avec qui ils partagent la garde des enfants, leurs frères… Une famille comme il en existe tant aujourd’hui, partiellement biculturelle de surcroît, dans la mesure où les parents de Samia, nés en Algérie, vivent selon des principes à peu près opposés à ceux des parents de Nicolas…
Grand public et divertissante
Nerveuse, rythmée, enjouée, tantôt comique, tantôt attendrissante, la vie de tous ces personnages, qui habitent à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), en banlieue parisienne, va permettre d’aborder toutes sortes de questions de société. Sans forcer le réalisme, pour préserver la légèreté de cette série qui se veut grand public et avant tout divertissante, mais avec la vraisemblance nécessaire pour que l’on s’y attache. D’autant que ce Grand Bazar jouit d’une excellente interprétation et de dialogues savoureux – si l’on oublie les scènes où les deux parents recherchent un prénom pour leur enfant, déjà né depuis plusieurs jours.
Jeunes « polyparents » travaillant tous les deux, elle avocate, lui « sage-femme », Samia et Nicolas seront donc confrontés à une multitude de décisions ; à prendre parfois à deux, parfois de façon collégiale, pour ne pas froisser leur famille au sens large. Privilégier sa carrière, renoncer à une promotion pour se préserver du temps ou carrément arrêter de travailler ; circoncire leur nouveau-né ou non ; faire faire un régime à la rondelette petite de huit ans ou pas ; se battre pour la garde des enfants en salissant son ex ou en restant honnête, etc.
A la fois créatrice et réalisatrice de cette série, Baya Kasmi, César du meilleur scénario original en 2011 pour Le Nom des gens, dit avoir eu en tête, lors de l’écriture du Grand Bazar avec ses coscénaristes (Michel Leclerc, Sarah Kaminsky et Lyès Salem), les comédies populaires des années 1970, notamment Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, d’Yves Robert. Scénariste pour de nombreux films, dont Hippocrate (2014), ou La lutte des classes (2018) dans lequel elle joue, elle pourrait bien être happée par la télévision à plein temps si M6 décidait de reconduire cette série pour autant de saisons que son aînée Fais pas ci, fais pas ça.
Le Grand Bazar, série créée par Baya Kasmi. Avec Nailia Harzoune, Grégory Montel, Lyès Salem, Julia Piaton, Biyouna, Djemel Barek, Christiane Millet, François Levantal (Fr., 2019, 6 x 55 min).