Au Mo.Co Panacée, la création tend un miroir au monde
Au Mo.Co Panacée, la création tend un miroir au monde
Par Emmanuelle Lequeux
Dans l’exposition « La Rue. Où le monde se crée », présentée au centre d’art Mo.Co Panacée de Montpellier, les artistes contemporains semblent endosser le rôle de catalyseur des réalités sociales.
L’exposition « La rue. Où le monde se crée », conçue par Hou Hanru, avec l’équipe curatoriale du Maxxi de Rome, est présentée au Mo.Co Panacée, à Montpellier. / MARC DOMAGE
La rue, c’est tout un monde. Lieu du débat et de l’ultrasurveillance, espace public investi des questions les plus privées, la rue fait irruption tout l’été à La Panacée. Comme un écho à toutes les œuvres d’art installées dans les petites et grandes artères de Montpellier – avec la manifestation « 100 artistes dans la ville » –, une « mise en abyme », résume Nicolas Bourriaud.
Conçue par Hou Hanru pour le Maxxi, immense musée de Rome que dirige cet éternel nomade, l’exposition a été complètement reconfigurée pour entrer dans les espaces plus restreints du centre d’art montpelliérain. « La Strada. Dove si crea il mondo », est devenue « La Rue. Où le monde se crée », mais elle ne rentre pas au chausse-pied dans ses nouveaux appartements, et a gardé son souffle épique. Plus tendue, mieux articulée, elle se prête bien au jeu de cet espace quadrangulaire : avec son allée centrale qui tourne autour d’un patio, on croirait arpenter une véritable rue. De celles qui, pleines de chaos et d’excroissances, répondent néanmoins à un ordre strict, presque secret.
Portraits de la planète
Apre symphonie d’une ville où s’entrechoquent les klaxons de Pékin, les rappeurs d’Istanbul, les revendications moscovites, dans un brouhaha savamment maîtrisé, où l’on croise des rats devenus Pikachu et de vieux messieurs en quête de raison… D’impasses en carrefours, l’exposition compose finalement l’un de ces portraits de la planète que sait si bien dessiner Hou Hanru, commissaire d’origine chinoise passé par Paris et San Francisco, avant d’atterrir à Rome. Elle fourmille surtout de vidéos, venues du monde entier (ceux qui n’en auraient pas plein les yeux à la fin du parcours peuvent en reprendre une dose avec la programmation de l’auditorium, qui recèle quelques beaux morceaux).
L’exposition « La rue. Où le monde se crée », conçue par Hou Hanru, avec l’équipe curatoriale du Maxxi de Rome, est présentée au Mo.Co Panacée, à Montpellier. / MARC DOMAGE
Au gré de cette avenue mondialisée, le visiteur passe en trois pas de Rome à Ho Chi Minh-Ville, des parasols de Rangoun à un (faux) métro parisien ; il erre entre les « poètes » David Hammons ou Francis Alÿs, qui ont fait de la rue un recueil de poésies, et le mur de revendications des Chicanos de Los Angeles recueillies par Andrea Bowers. Ravages de la promotion immobilière, drame des sans-abri, déshumanisation de la cité (dont témoigne notamment une troublante vidéo de Mark Lewis, qui transforme une ville « modèle » du Texas en irréelle maquette)… La rue se fait ici miroir du monde.
Accrochage de « La rue. Où le monde se crée », au Mo.Co Panacée, de Montpellier. / MARC DOMAGE
Des enseignes tronquées et remontées de Flavio Favelli aux caméras de surveillance dorées à la feuille par Halil Altindere, elle se révèle formidable terrain d’expériences pour les artistes, autant que catalyseur des réalités sociales. Ils y mettent leur corps à l’épreuve, comme dans la vidéo de Zhou Tao, qui imagine toutes sortes d’acrobaties et d’approches pour apprivoiser ce territoire pas si anodin, ou celle de Lin Yilin, qui oppose son corps couché à la foule pressée. Homme dormant, femme allongée, à l’instar de Kimsooja, qui, elle aussi, résiste au flux de la cité en se couchant comme pour méditer face à l’agitation urbaine : ces silhouettes passives sont l’un des leitmotivs du parcours. De la résistance érigée au rang de street art ?
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Mo.Co.
Le Mo.Co en pratique
MoCo Hôtel des collections, 13, rue de la République. Tél. : 04-34-88-79-79, Moco.art. Du mardi au dimanche, de 12 heures à 19 heures, jusqu’à 22 heures de juin à août. Exposition « Distance Intime. Chefs-d’œuvre de la collection Ishikawa », du 29 juin au 29 septembre. Entrée : 8 €, tarif réduit : 5 €, gratuit -18 ans. Entrée gratuite les 29 et 30 juin.
MoCo Panacée, 14, rue de l’Ecole de pharmacie. Tél. : 04-34-88-79-79. Du mercredi au dimanche, de 12 heures à 19 heures, jusqu’à 20 heures de juin à août. Exposition « La Rue. Où le monde se crée », jusqu’au 18 août. Accès libre.
MoCo ESBA (Ecole supérieure des beaux-arts), 130, rue Yéhudi-Ménuhin. Tél. : 04-99-58-32-85.
Exposition « 100 artistes dans la ville » (13e édition de Zone artistique temporaire), jusqu’au 28 juillet dans le centre-ville historique de Montpellier. Parcours en accès libre, à retrouver sur Zat.montpellier.fr