Des familles dans le centre de rétention de McAllen, au Texas, le 10 juin 2019. / www.oig.dhs.gov

Des cellules surpeuplées dans lesquelles il est impossible de s’asseoir ou de s’allonger, des enfants privés de douches ou de repas chauds… Le ministère américain de la sécurité intérieure (Department of Homeland Security ou DHS) a admis, mardi 2 juillet, que la surpopulation et l’insécurité dans les centres de rétention de migrants clandestins au Texas devenaient dangereuses.

« La surpopulation et la détention prolongée représentent un risque immédiat pour la santé et la sécurité des agents et officiers du DHS ainsi que des détenus », précise dans un rapport l’inspection générale du ministère, un organisme de surveillance interne.

Afflux massif à la frontière

Des membres du ministère ont visité en juin cinq centres de rétention, situés près de la frontière mexicaine, qui connaît ces derniers mois un afflux massif de migrants tentant d’entrer illégalement sur le territoire américain. En mai, 144 000 personnes ont été arrêtées et placées en détention par la police aux frontières (CBP). Mais les places manquent dans ces structures, ainsi que dans les centres d’accueil, où les mineurs et les familles sont normalement transférés.

Certains mineurs non accompagnés âgés de moins de sept ans attendaient leur transfert depuis plus de deux semaines, alors que ces enfants doivent normalement être remis à leur famille ou pris en charge par des agences gouvernementales dans les 72 heures, précise le rapport.

Des photos accompagnant le rapport montrent des détenus entassés dans des cellules bondées ou des salles séparées par des grillages, certains portant des masques sur la bouche. Les enquêteurs évoquent des conditions de détention qui ne répondent pas aux normes du ministère.

Pour un responsable de centre, cité dans le rapport, la situation est une « bombe à retardement ». Plusieurs incidents ont déjà eu lieu entre les détenus. Ces centres de rétention « n’ont jamais été faits pour gérer le volume de migrants qui nous arrivent », a expliqué mardi sur CNN Robert Perez, chef adjoint de l’agence de surveillance des frontières.

Les candidats démocrates s’emparent du sujet

Plusieurs candidats à l’investiture démocrate pour la présidentielle de 2020 se sont insurgés des conditions décrites par le rapport. « Aucun être humain ne mérite d’être traité ainsi », a déclaré Kamala Harris, deuxième dans les sondages.

Les responsables des centres de détention ne respectent pas « les droits humains basiques », s’est indigné le sénateur indépendant Bernie Sanders. « Ignoble », a, pour sa part, réagi la sénatrice progressiste Elizabeth Warren. « Des êtres humains sont parqués comme des animaux actuellement dans notre pays. »

La publication de ce rapport intervient au lendemain d’une visite au Texas de parlementaires démocrates dans des centres de rétention à El Paso et Clint, deux villes frontalières du Mexique. Les conditions de vie dans un centre de Clint avaient déjà été dénoncées par l’ONG Human Rights Watch la semaine dernière. Il accueillait alors 300 mineurs isolés depuis transférés.

Des familles entassées dans le poste de Weslaco, au Texas, le 11 juin 2019. / www.oig.dhs.gov

Le chef de la délégation parlementaire, Joaquin Castro, a notamment évoqué devant la presse des cellules pour femmes « sans eau courante » où les détenues devaient « boire l’eau des toilettes ». Dans une vidéo filmée en cachette dans une cellule commune sans lit, le parlementaire montre ces femmes dans des sacs de couchage, lui expliquant qu’elles sont privées de douches et n’ont pas accès aux médicaments.

Une autre démocrate, Judy Chu, a dénoncé des conditions de détention « effroyables et dégoûtantes », tandis que Madeleine Dean, du même parti, évoquait « l’hostilité des gardiens » à l’égard de la délégation. « Je ne peux que souligner comment il est troublant que des agents du CBP aient ouvertement manqué de respect » aux élus du Congrès, a déclaré mardi sur Twitter Alexandria Ocasio-Cortez, dénonçant une « agence voyou ».

La jeune parlementaire, qui est l’une des opposantes les plus féroces à la politique migratoire de l’administration Trump, était l’une des cibles du groupe Facebook.

Le point-presse a également été perturbé par des contre-manifestants qui ont scandé des slogans en faveur de Donald Trump.

Une agence dans la tourmente

Le site d’information indépendant ProPublica a révélé lundi l’existence d’un groupe Facebook où des agents de la police aux frontières échangent moqueries et insultes sur les migrants et les parlementaires opposés à la politique migratoire de Donald Trump.

La patronne de l’agence, Carla Provost, a dénoncé des messages « complètement inappropriés » et « contraires à l’honneur et à l’éthique » de ses agents. Le service fédéral de protection des frontières a annoncé une enquête.

Donald Trump a décrété au printemps 2018 la « tolérance zéro » contre l’immigration. Il a, entre autres, promis de faire cesser la pratique dite du « catch and release » (attrape et libère), qui permet aux migrants d’être relâchés sur le sol américain le temps de l’examen de leur dossier de demande d’asile.

Pour faire face à la crise migratoire, le Congrès a approuvé la semaine dernière en urgence une enveloppe de 4,6 milliards de dollars. Elle prévoit des financements pour l’accueil des mineurs mais aussi pour le contrôle de la frontière.