Au procès du coq Maurice et de sa propriétaire : « Tout le monde rit, mais derrière, nous avons un sujet sérieux »
Au procès du coq Maurice et de sa propriétaire : « Tout le monde rit, mais derrière, nous avons un sujet sérieux »
Par Claire Mayer
Le tribunal de Rochefort examinait jeudi le cas de plaignants incommodés par le chant matinal de l’animal de leur voisine. En filigrane, un symbole d’une ruralité menacée.
L’avocat de Corinne Fesseau, Me Papineau, devant le tribunal de Rochefort, jeudi 4 juillet. / XAVIER LEOTY / AFP
Maurice n’a pas fini de faire parler de lui. Le 6 juin, l’affaire opposant Corinne Fesseau, propriétaire d’un coq à Saint-Pierre-d’Oléron (Charente-Maritime), et ses voisins incommodés par le bruit matinal de l’animal, M. et Mme Biron, avait été renvoyée, à la déception des deux parties. Depuis, le gallinacé connaît une notoriété jusqu’outre-Atlantique. Le procès s’est finalement tenu devant le tribunal de Rochefort, jeudi 4 juillet.
Tandis que les époux Fesseau franchissent les portes du tribunal, leur avocat, Me Papineau, souligne, cette fois encore, l’absence des plaignants. Ces derniers, un couple de retraités habitant dans la Haute-Vienne, possèdent une résidence secondaire à côté de la maison de Mme Fesseau dans laquelle ils viennent occasionnellement. L’avocat des Biron, Me Huberdeau, argue que « ce sont des gens simples, discrets, qui n’ont pas souhaité ce battage et cette publicité, et ne sont pas à l’aise avec ce genre de situations ».
« A la campagne, les coqs chantent »
Plusieurs personnes ont toutefois fait le déplacement pour soutenir Corinne Fesseau et son coq, devenus le symbole d’une ruralité menacée. C’est le cas de Patricia Vozel, 61 ans, et de sa fille Aurélia, 40 ans, qui ont fait le déplacement avec Pompadour et Jean-René, leurs poules et coq respectifs. « A la campagne, les coqs chantent, c’est aussi pour ça qu’on y vit », raconte la première, propriétaire de 12 coqs et 80 poules et qui craint qu’un jour, eux aussi deviennent un problème pour son voisinage. « Ma voisine la plus proche n’est pas gênée par le bruit de mes animaux. Mais si elle vient à partir, qui me dit que je ne me retrouverai pas dans la même situation que Corinne ? »
Devant le tribunal, l’avocat des plaignants assure qu’il est ici question de la problématique du bruit du voisinage, « comme il pourrait être causé par un chien, ou de la musique ». « La liberté commence là où s’arrête celle des autres », ajoute Me Huberdeau dans son argumentaire, affirmant que ses clients ont toujours vécu en harmonie avec leurs voisins. Il regrette la prise de position du maire de Saint-Pierre-d’Oléron, Christophe Sueur, que les époux Biron avaient pourtant alerté. « On comprend son parti pris envers ces gens qui sont ses électeurs », contrairement aux retraités qui y ont leur résidence secondaire, glisse-t-il.
« Je suis abasourdi », réagit son homologue défendant Corinne Fesseau, Me Papineau. « J’ai l’impression qu’on ne vit pas sur la même planète », ironise-t-il, ajoutant « tout le monde rit, mais derrière, nous avons un sujet sérieux ». Celui d’une société aseptisée, où l’on ne supporte plus ce qui rend la ruralité si typique. Me Huberdeau pose une question centrale dans l’affaire : la zone sur laquelle habitent les deux parties est-elle urbaine ou rurale ? « Si on est en zone rurale ici, on est en zone rurale partout », ironise-t-il. « On est à la campagne, pour moi il n’y a pas de débat, répond Me Papineau. Les relations de voisinage, c’est “on se connaît, on vit ensemble” et à la campagne, on n’a pas des coqs et des poules parce que c’est à la mode. ». Il conclut : « C’est une affaire qui doit se résoudre à l’apéro, pas devant vous, Mme la présidente ». Il demande 1 000 euros de dommages et intérêts, qui seront reversés à la caisse des marins péris en mer.
Le jugement est attendu le 5 septembre pour, espère l’avocat des Fesseau, mette fin à ce débat « qui dure depuis trop longtemps ».