Portrait de Michel Houellebecq dans les années 1980. / Louis Monier / Gamma-Rapho / G

ARTE - Dimanche 7 juillet - 19 h 10. Magazine

« On entend que le monde est pressé, que ce qui est arrivé hier est déjà périmé, pourtant, lorsqu’on sonde l’actualité culturelle, on s’aperçoit que chaque phénomène tire quelque chose du passé. Alors, entre hier et aujourd’hui, osez inverser vos perspectives. » Telle est la promesse de la nouvelle émission de Philippe Collin, qui remonte le temps pour tracer la généalogie des événements culturels marquants de l’été 2018 à avril 2019.

Détection des redondances, dénonciation des plagiats ? Pas du tout. Dans le grenier d’« Un air de déjà-vu », on repère dans l’art les continuités pour mieux cerner les ruptures et ce que les artistes de notre époque apportent (ou pas) de nouveau. Comme lorsqu’un épisode prend le prétexte de la sortie du dernier roman de Michel Houellebecq, début janvier, pour enquêter sur la figure récurrente du « grand écrivain français » admiré à l’étranger et se demander à quelle famille d’auteurs le rattacher ; il coche en effet toutes les cases définies par le critique Dominique Noguez dans son ouvrage paru en 2000, Le Grantécrivain. Pourtant, « Un air de déjà-vu » explique en quoi Houellebecq diffère des Voltaire, Duras, Hugo, Sartre, Camus ou Zola : il « rompt avec la figure du grand écrivain humaniste de gauche ». Son personnage médiatique, excentrique, va à l’encontre de cette figure, et on le rapproche plus volontiers de Céline.

Pédagogique et rythmé

Dans un autre numéro, l’émission analyse les secrets de fabrication des biopics musicaux, genre cinématographique à succès cette année en salle avec Bohemian Rhapsody, consacré au chanteur de Queen, ou Rocketman, sur Elton John. Ou, revenant sur le sabotage de l’œuvre Girl with Balloon de Banksy, « Un air de déjà-vu » apporte la perspective historique et artistique permettant de comprendre la portée de ce geste autodestructeur. Le retour sur la sortie de l’album posthume de Johnny Hallyday, le 19 octobre 2018, meilleure vente de l’année en France, est l’occasion de parler de ces artistes – Elvis Presley, Otis Redding, Michael Jackson, Prince ou David Bowie – dont la mort n’est pas un obstacle au succès et qui vivent pour l’éternité dans les bacs.

Au sommaire du troisième épisode, l’histoire des chanteuses qui ont fait du genre une performance et joué avec les codes de la masculinité, à la faveur de la sortie de l’album de l’artiste française Chris ; le retour sur le triomphe en librairie outre-Rhin de La Disparition de Josef Mengele, d’Olivier Guez, est l’occasion de s’interroger sur le rapport que nous entretenons avec le nazisme à travers la littérature, discipline qui s’en empare à intervalles réguliers. Enfin, la sortie du film de Damien Chazelle, First Man, et le cinquantenaire du premier pas de l’homme sur la Lune cet été offrent des arguments irrésistibles pour une plongée dans la fascination sans cesse renouvelée du cinéma pour le satellite de la Terre.

Archives à l’appui, ces brefs récits et enquêtes, aussi pédagogiques que rythmés, ainsi que le ton sémillant de l’émission en font un programme réjouissant. On lui trouvera certainement un air de déjà-vu avec feu le magazine Personne ne bouge !, notamment à travers son élégant graphisme ou la présentation en voix off… Les journalistes venus de la radio Philippe Collin et Frédéric Bonnaud sont à l’origine des deux émissions, qui ont la même rédaction en chef et la même réalisation. Et le même esprit ludique.

« Un air de déjà-vu », de Philippe Collin (France, 2019, 8 × 30 minutes), chaque dimanche à 19 h 10 jusqu’au 25 août, Arte.tv.