Tokyo à 365 jours de ses Jeux olympiques
Tokyo à 365 jours de ses Jeux olympiques
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
La dérive du coût final de l’événement suscite des inquiétudes. Tout comme les questions des transports et de la chaleur.
90 % des 43 installations sportives des JO 2020 au Japon - dont huit nouvelles - sont terminées, selon les organisateurs. / KAZUHIRO NOGI / AFP
Plus qu’un an avant l’ouverture des Jeux olympiques (JO) de Tokyo. Le 24 juillet 2020, la cérémonie d’ouverture dans le tout nouveau Stade national lancera l’événement de 15 jours qui verra près de 10 000 sportifs concourir dans 339 épreuves de 33 sports.
Une bonne partie des compétitions se déroulera hors de Tokyo, jusqu’au département de Fukushima, à plus de 200 km au nord-est, zone sinistrée par le séisme, le tsunami et la catastrophe nucléaire de 2011, afin de témoigner de sa reconstruction, thème sous-jacent de ces JO.
Pour marquer l’étape calendaire, le comité organisateur a présenté, mercredi 24 juillet lors d’une « One year to go ceremony », les médailles qui seront remises aux athlètes : 5 000 seront réalisées à partir du recyclage de téléphones portables, dont les composants incluent de l’or et de l’argent. Une horloge affichant le compte à rebours a par ailleurs été dévoilée devant la gare de Tokyo.
Le tout sur fond de satisfecit sur la préparation : 90 % des 43 installations sportives - dont huit nouvelles - sont terminées. Le président du comité international olympique (CIO), Thomas Bach a plusieurs fois salué les préparatifs de Tokyo, qualifiés de « meilleurs » de l’histoire.
La vente des billets suscite un réel engouement : 3,2 millions ont été déjà écoulés par tirage au sort ; 9 millions seront finalement octroyés, dont 20 à 30 % aux partenaires. Un nouveau tirage au sort est prévu entre le 8 et le 22 août.
De même, 200 000 personnes se sont portées candidates pour les 80 000 postes de bénévoles. Un résultat qui peut surprendre, les bénévoles n’étant ni logés ni défrayés, comme ce fut le cas en 2018 lors des jeux d’hiver de Pyeongchang (Coreé du Sud).
Horaires décalés, brumisateurs et revêtement routier absorbant la chaleur
Mais des questions restent en suspens à commencer par celles du coût final de l’événement. Le budget annoncé en décembre s’établit à 1 350 milliards de yens (11,2 milliards d’euros), près du double des 700 milliards (5,8 milliards d’euros) avancés dans le projet de candidature.
Il pourrait encore croître, sous la pression notamment des coûts pour la sécurité, de quoi mécontenter le contribuable tokyoïte, qui sera le premier à en assumer la charge. La question est balayée par la gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, qui voit dans ces dépenses « un accélérateur » de projets.
Les Tokyoïtes s’inquiètent par ailleurs pour les transports pendant les deux semaines de compétitions. Déjà saturés, ils promettent de devenir insupportables et le gouvernement encourage déjà les entreprises à recourir au télétravail ou à des horaires aménagés.
Autre question non résolue, celle de l’extrême chaleur, difficilement supportable et potentiellement dangereuse pour la santé. Mardi 23 juillet, les autorités tokyoïtes ont recommandé de ne pas se livrer à des pratiques sportives pour éviter les coups de chaleur. La température atteignait 28 degrés et l’humidité 84 %. A l’été 2018, le thermomètre avait dépassé les 40 degrés.
Pour réduire les risques, les organisateurs ont modifié les horaires des marathons, qui partiront à 6 heures du matin ou du 50 km marche, prévu pour partir à 5 h 30. L’installation de brumisateurs est envisagée, de même que le recours à un revêtement routier absorbant plus la chaleur, en cours d’installation sur 136 km de rues de la capitale.
Image ternie
Insuffisant pourtant, estime Joan Coates. Dans une interview accordée le 22 juillet à l’agence Kyodo, le président de la commission de coordination du CIO a rappelé au sujet des transports l’importance de « garantir le temps nécessaire pour aller du village olympique aux sites des épreuves » et, sur la chaleur, de « mesurer l’incidence des mesures mises en œuvre ».
M. Coates a également appelé les organisateurs à réfléchir à la suite à donner à des jeux dont l’image reste ternie par les soupçons de corruption ayant poussé à la démission le président du comité olympique japonais, Tsunekazu Takeda.
Figure de l’olympisme nippon, M. Takeda a été mis en examen en décembre 2018 par la justice française pour « corruption active ». Il est soupçonné d’avoir autorisé en 2013 le paiement de 1,8 million d’euros de pots-de-vin pour l’obtention des Jeux par Tokyo. Il a été remplacé le 27 juin par l’ancien judoka Yasuhiro Yamashita.
Les événements organisés à un an des épreuves ont également été l’occasion pour les opposants aux Jeux olympiques de se mobiliser à Tokyo. Une coalition réunissant l’association nippone, Hangorin no kai, contre les jeux de Tokyo, NOlympics LA hostile à ceux de Los Angeles en 2028 ou encore le collectif français Non aux JO 2024 à Paris, a organisé différents événements, notamment une manifestation le 24 juillet dans le quartier de Shinjuku.
Jules Boykoff, ancien membre de l’équipe olympique américaine de football et auteur de Celebration capitalism and Olympic Games (Routledge, 2014, non traduit), a déploré que les JO se traduisent par des dépenses excessives payées par les contribuables, des expropriations et déplacements des plus démunis, une « militarisation de la police » au travers du renforcement des mesures de sécurité, « sur lesquelles on ne revient pas une fois l’événement passé », de la corruption et un recours abusif au « greenwashing » pour donner un verni écologique aux jeux.