CAN 2019 : le torchon brûle entre le chef de l’Etat et le patron du football algérien
CAN 2019 : le torchon brûle entre le chef de l’Etat et le patron du football algérien
Par Alexis Billebault
Soupçonné de vouloir s’accaparer la victoire des Fennecs lors de la CAN, Abdelkader Bensalah veut pousser Kheireddine Zetchi à la démission.
Le 5 avril 2019 à ALger, les manifestants réclament le départ des « 3B » : le président par intérim Abdelkader Bensalah, le président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaiz et le premier ministre Nourredine Bedoui. / AFP
Les lendemains de victoire peuvent être délicats. L’Algérie, championne d’Afrique depuis le 19 juillet grâce à un succès face au Sénégal (1-0) lors de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), en fait l’amère expérience. Depuis le retour des joueurs et du staff technique à Alger, quelques heures après le titre obtenu au Caire, les signes d’un conflit profond entre Abdelkader Bensalah, le président de la République par intérim, et Kheireddine Zetchi, le patron du football algérien, sont nombreux. A tel point que le premier, soutenu par une partie du gouvernement, semble décidé à pousser le second au départ.
Plusieurs motifs expliquent cette guerre larvée entre les deux hommes. D’abord, Abdelkader Bensalah reprocherait à Kheireddine Zetchi de lui avoir tenu tête sur deux décisions. D’abord, en cas de défaite de la sélection en demi-finale contre le Nigeria, Abdelkader Bensalah souhaitait que la Fédération algérienne de football (FAF) organise un défilé des joueurs dans les rues d’Alger, ce que la FAF a refusé. Puis, une fois la qualification pour la finale acquise, l’Etat aurait exigé que la Fédération assume financièrement le coût des billets réservés aux supporters des Fennecs au Stade international du Caire, s’attirant un nouveau refus.
Enfin, le chef de l’Etat par intérim, qui avait décidé de se rendre au Caire accompagné de plusieurs collaborateurs la veille de la finale, reproche à Zetchi de ne pas l’avoir accueilli à son arrivée à l’hôtel des joueurs. « D’après ce que l’on sait, Zetchi a appris tardivement que Bensalah venait en Egypte. Quand le président de la FAF, alors retenu par une réunion de travail avec la Confédération africaine de football (CAF) est arrivé, Bensalah l’attendait depuis plus d’une heure. Celui-ci ne l’a pas supporté, pas plus qu’il n’a supporté de devoir attendre plusieurs minutes que les footballeurs, qui faisaient la sieste, viennent le saluer », explique un journaliste algérien. Djamel Belmadi, le sélectionneur des Fennecs, très à cheval sur la récupération de ses joueurs, aurait mal vécu que Bensalah demande qu’ils soient réveillés prématurément.
Soutien au peuple
Depuis ces péripéties cairotes, la tension est encore montée d’un cran à Alger. Et notamment lors des festivités célébrant la victoire de la sélection nationale. Ainsi Zetchi a-t-il dû subir quelques vexations protocolaires, que plusieurs observateurs estiment organisées sciemment par les services de la présidence. Le président de la FAF n’a pas présenté à Bensalah les Fennecs un par un, comme c’est la règle dans ce type de cérémonie officielle. Il n’a pas non plus pu prononcer le discours qu’il avait préparé, et est presque invisible sur les différentes photos faites de l’événement. « Il semble évident que le pouvoir veut pousser Zetchi à partir. Bensalah cherche à s’accaparer la victoire de la sélection », regrette un ancien international algérien, fin analyste politique, qui souhaite garder l’anonymat.
Un scénario que redoutent les supporters des Fennecs. Car Djamel Belmadi, que l’on sait proche du président de la FAF, n’a pas de sympathie particulière pour le président par intérim. Le coach, au début des manifestations populaires réclamant le départ d’Abdelaziz Bouteflika, en février, avait en effet très tôt affiché son soutien au peuple.
Une démission de Zetchi pourrait même inciter celui qui a conduit l’Algérie à décrocher un deuxième titre continental à s’en aller, ce que plusieurs personnes connaissant bien le technicien confirment. « On craint en effet que ce scénario ne se produise », regrette un proche de la sélection. Car, pour l’instant, la tension est loin d’être retombée.