Rien à ajouter. / AFP

18E ÉTAPE : EMBRUN - VALLOIRE, 208 KM

Voilà trois semaines qu’on les attend, ces trois jours. Voilà même neuf mois qu’on les attend, depuis que le parcours de la course a été dévoilé en octobre dernier, et qu’il est apparu que le sismogramme auquel ressemble, vu de loin, le profil des 21 étapes mises bout à bout, s’excitait particulièrement vers la fin.

Trois semaines trépidantes après le départ de Bruxelles, c’est donc aux Alpes que revient l’honneur de désigner le vainqueur d’un Tour de France 2019 qui ne sait toujours pas à qui s’offrir. Nous voilà aussi proches du dénouement qu’incapables de l’imaginer. La collision entre l’idée qu’on touche au but et celle que tout reste à faire provoque une curieuse sensation, qui s’appelle sans doute le vertige, et cela faisait un bail que le Tour n’en avait plus suscité de tels.

Julian Alaphilippe, Geraint Thomas, Steven Kruijswijk, Thibaut Pinot, Egan Bernal et Emmanuel Buchmann se tiennent en deux minutes – 39 secondes entre Thomas (2e) et Buchmann (6e). Ils ont encore 464 kilomètres jusqu’à samedi, dont 143 d’ascension, pour se mettre d’accord sur qui finit où, et démarrent jeudi par trois premières canines culminant au-dessus de 2 000 mètres, prêtes à déchiqueter les ambitions : les cols de Vars (2 109 m), d’Izoard (2 360), et du Galibier (2 642), trois noms dont la simple lecture nous épuise.

L’Iseran vendredi, point culminant du Tour (2 770 m), et Val Thorens samedi, dernière arrivée au sommet après 33 km d’ascension, mettront un terme au concours de pronostics géant. On va enfin voir, au lieu de le lui demander tous les jours, si Julian Alaphilippe est capable de garder son maillot jaune jusqu’à Paris, ce qui, dans la rubrique des victoires qu’on a vues se dessiner lentement sans y croire, genre « ça va bien finir par s’arrêter, mais ça ne s’arrête jamais », le placerait aux côtés de Montpellier 2012 en Ligue 1, de Marion Bartoli 2013 à Wimbledon ou de Leicester 2016 en Premier League (ou encore d’Obélix 1976, dans le repas des titans (6e des 12 Travaux d’Astérix), auquel nous comparions récemment Alaphilix).

Le Français Julian Alaphilippe, maillot jaune du leader du général, le 24 juillet. / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Ce Tour touche aux frontières du rationnel, il les franchira si Juju est encore en jaujaune ce soir, il les fera exploser s’il l’est toujours demain soir, et on ne parle même pas d’après-demain soir. Ce matin, le Français compte quatre-vingt-quinze secondes d’avance sur son dauphin. « C’est beaucoup et peu à la fois », philosophe Julian-le-sage, résumant l’indécision d’une fin de course que certains le voient gagner, quand d’autres l’imaginent exploser en plein vol et disparaître du Top 10. « Je suis prêt pour recevoir les coups dans la montagne », disait-il en tous cas à la veille des hostilités.

Et si le Tour de jouait au sprint ?

Luke Rowe et Tony Martin n’ont pas été loin de s’en échanger hier, dans la montée du col de la Sentinelle, quelques kilomètres avant l’arrivée de la 17e à Gap, terminus du Tour pour eux. Voyez plutôt :

Des frictions de ce genre sont monnaie courante dans le peloton, celle-ci a eu la mauvaise idée de se dérouler sous l’œil d’une caméra. Exclusion immédiate pour ces deux équipiers de Thomas et Bernal (Rowe) et Kruijswijk (Martin), ce qui est une mauvaise nouvelle pour ces derniers, mais pas dramatique non plus – Rowe et Martin ne les accompagnent pas en mnotagne. Au passage, si quelqu’un comprend ce qui arrive au jeune homme en vert sur le bord de la route dans la vidéo, qu’il nous le signale.

L’équipe Ineos va donc finir un second Tour d’affilée à 7 (Moscon avait été exclu l’an dernier pour avoir tapé un coureur, décidément). Avant-hier, son manager Dave Brailsford semblait presque ravi du scénario de la course, qui ne lui a pourtant jamais été aussi peu favorable : « Les gens ne me croient pas quand je dis ça, mais j’ai gagné le Tour six fois en sept ans d’une certaine façon, et je n’ai plus besoin de vivre l’expérience d’avoir cinq minutes devant et d’être sûr de gagner. Cette année, tout le monde est excité, beaucoup de gens disent que c’est le meilleur Tour qu’ils aient jamais vu, donc d’une certaine manière, c’est une bonne chose de faire partie de tout ça. Cela dit, est-ce que je voudrais gagner ? Bien sûr. »

On a alors demandé sa définition d’un bon Tour de France à Dave Braislford : « Le suspense, sans aucun doute. Et plus le suspense dure, mieux c’est. Une course ouverte, où personne ne sait vraiment ce qui va se passer, c’est ce qui m’a fait aimer le vélo au départ quand j’étais un enfant. » Si Dave Brailsford enfant avait découvert le vélo à l’ère de l’équipe Sky de Dave Brailsford adulte, il n’aurait pas aimé le vélo.

Le patron de l’équipe tenante du titre nous a livré un pronostic : « Je pense que cela pourrait même aller jsuqu’à Val Thorens, et les 800 derniers mètres très pentus avant l’arrivée. Ça pourrait se finir comme ça, par un sprint à Val Thorens, pour décider qui gagne. On ne peut pas l’exclure. Ce serait le summum. »

Départ 11 h 25 ; arrivée vers 17 h 20.

PS. Les Néerlandais sont allés reconnaître le Galibier à la veille de l’étape du jour, sans doute pour tuyauter leur compatriote Steven Kruijswijk.

PPS. Voici le profil des 19e et 20e étapes, pour que vous ayez une idée complète du bazar qui attend les coureurs.