Ligue 1 : un FC Metz made in Sénégal
Ligue 1 : un FC Metz made in Sénégal
Par Eline Wisnicki
Promu en Ligue 1 cette saison, le FC Metz récolte les bénéfices de son partenariat avec le club sénégalais Génération Foot, lancé en 2003.
Le Sénégalais Ibrahima Niane sous le maillot messin, en février 2019. / FREDERICK FLORIN / AFP
En 1984, le Sénégalais Jules Bocandé signait au FC Metz. Meilleur buteur de Ligue 1 en 1986, avec 23 buts inscrits sous le maillot grenat, il a pris part à l’un des plus grands exploits du football français, la qualification de son club face au FC Barcelone grâce à une remontée historique (4-2, 4-1) en Coupe des vainqueurs de coupe. Il a aussi amorcé une relation toute particulière entre le club messin et le Sénégal, qui n’a cessé de se renforcer depuis quelques années.
Promu en Ligue 1, le FC Metz est le club de première division qui compte le plus grand nombre de joueurs sénégalais dans son effectif. Cinq d’entre eux – Habib Diallo, Ibrahima Niane, Amadou Ndiaye, Pape Ndiaga Yade et Abou Lô – ont un point commun : ils ont été formés par le club sénégalais Génération Foot.
Depuis 2003, le FC Metz a signé un partenariat avec l’académie Génération Foot, créée en 2000 par Mady Touré, ancien joueur professionnel guinéen, qui a évolué à Brest et à Orléans. Le principe est simple : en échange d’une dotation annuelle en équipements et d’une aide financière au fonctionnement de Génération Foot, le club messin a une priorité de sélections sur les jeunes joueurs qui y sont formés.
Car c’est bien au Sénégal que la formation se fait, au sein d’un centre construit par Génération Foot. Cela en conséquence de la modification de la réglementation du statut et du transfert des joueurs, par la Fédération internationale de football association (FIFA), qui interdit désormais le transfert international de joueurs mineurs. « Un joueur ne peut être transféré de Génération Foot à Metz que s’il est âgé d’au moins 18 ans. Cette contrainte exige que la formation soit dispensée au Sénégal, avant l’arrivée du joueur en France », explique Mady Touré.
« Former des hommes »
Depuis le début du partenariat, Génération Foot a permis à une trentaine de joueurs africains, et pas des moindres, de faire une carrière professionnelle en Europe. Parmi eux, Ismaïla Sarr (Stade rennais), Diafra Sakho (Stade rennais, en prêt au Bursaspor), Papiss Cissé (Alanyaspor), et surtout Sadio Mané (Liverpool), vainqueur de la Ligue des champions et finaliste de la Coupe d’Afrique des nations cette année. « Je suis fier d’avoir changé sa vie. Quand Sadio Mané est arrivé à Génération Foot, ce n’était pas simple pour lui : il n’avait pas son père et il était dans des conditions difficiles. Il a travaillé dur », se rappelle le président de Génération Foot. « L’idée, c’est de changer des vies pour qu’ils changent des vies à leur tour. Ceux qui réussissent sont des modèles pour les jeunes de Génération Foot, mais aussi des acteurs de développement pour [leur] pays. »
Cette année, Génération Foot va continuer de grandir, avec l’inauguration d’un lycée, qui portera le nom de Bernard Serin, président du FC Metz, au sein du club. Une première pour un centre de formation. « Notre but est de former des hommes, pas uniquement des sportifs. Nous voulons montrer aux jeunes que la priorité, ce sont les études et que le football ne doit pas être mis au premier plan », analyse Mady Touré. « Nous voulons passer par le sport pour montrer aux jeunes qu’il faut un bagage professionnel. Sur cent jeunes, il n’y en aura que dix qui réussiront, les autres devront avoir un bagage. »
Depuis sa création, Génération Foot a permis à quelque 150 jeunes Africains de venir en Europe. En tant que joueurs professionnels, mais pas uniquement. « Ce qui me motive, c’est de limiter l’immigration clandestine des jeunes vers l’Europe », affirme Mady Touré.
Le continent africain, « un réservoir de talents »
Pour Bernard Serin, « il y a beaucoup de jeunes footballeurs africains qui jouent en France et en Europe. Ils font partie des meilleurs joueurs du monde. L’Afrique est un réservoir de talents, et nous faisons le pari de la formation. »
Cependant, « le continent manque d’infrastructures pour permettre à ces jeunes d’éclore et de montrer leur talent », ajoute Mady Touré. Le type de structures dont dispose le centre de formation de Génération Foot est peu présent sur le continent africain. Il a permis au club sénégalais de se développer et de gravir rapidement les marches du Championnat du Sénégal. Vainqueur de la troisième division en 2015, puis de la deuxième division en 2016, Génération Foot a remporté le championnat de première division du Sénégal en 2017 et 2019, et deux fois la Coupe du Sénégal, en 2015 et 2018.
Parmi les jeunes talents sénégalais dévoilés par Génération Foot, le FC Metz accueille une nouvelle recrue cette année : Pape Ndiaga Yade, 19 ans. « C’est un garçon avec un gros potentiel. Il présente de nombreuses qualités techniques de puissance et de vitesse. Il intégrera directement le groupe professionnel », analyse Bernard Serin. Auteur de cinq buts et quatre passes décisives avec Génération Foot cette saison, l’attaquant avait fait le buzz sur les réseaux sociaux, en février, avec un but inscrit à Louga.
Ce but de Pape Ndiaga Yade (Génération Foot) contre Ndiambour. 💥😱#Ligue1SN #Senegal https://t.co/LqYCqVYC9J
— SenegalFootball (@Senegal Football🇸🇳)
Financièrement, la montée en Ligue 1, que Metz avait quittée en 2018, est bénéfique à la fois pour le club lorrain et pour Génération Foot. « Que ce soit Metz ou nous, il est important que nous nous maintenions en première division, afin de continuer à former des joueurs qui sont très bons et de leur permettre d’avoir une carrière européenne », conclut Mady Touré.