Migrants : la France a le devoir d’agir pour les mineurs isolés
Migrants : la France a le devoir d’agir pour les mineurs isolés
Editorial. Alors que le nombre de « mineurs non accompagnés » a doublé en trois ans, il est temps d’engager une politique volontariste au niveau national, quelles que soient la répartition des tâches entre l’Etat et les départements.
Editorial du « Monde ». Le phénomène prend, ces dernières années, une ampleur tout à fait inhabituelle : de plus en plus de migrants arrivent en France alors qu’ils sont encore mineurs, et seuls. D’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Afghanistan, ils tentent l’aventure de l’exil plus jeunes qu’auparavant. Les mineurs pris en charge sont passés de 200 il y a vingt ans à 41 000 en 2018, selon l’Assemblée des départements de France (ADF), dont les administrations sont chargées de la protection de l’enfance (17 022 ont été officiellement reconnus mineurs en 2018, d’après le ministère de la justice).
Ces jeunes migrants relèvent de deux catégories. Tandis que ceux venus du Moyen-Orient et d’Asie centrale cherchent davantage à échapper au contrôle de l’administration et aux structures d’accueil, leur ambition étant de traverser la Manche pour aller en Angleterre, ceux venus d’Afrique subsaharienne (dont une forte proportion arrivent de Guinée), et qui le plus souvent parlent déjà français, veulent au contraire rester en France, y être pris en charge et y trouver au plus vite un travail.
Le nombre de ces « mineurs non accompagnés » (MNA) a doublé en trois ans, voire triplé dans certains départements. Si la tranche d’âge majoritaire est celle des 16-18 ans, 15 % d’entre eux ont moins de 15 ans et 40 % moins de 16 ans. Les défis sont donc considérables pour les départements. Outre la question à la fois légale et morale de la protection de l’enfant, les coûts ont explosé, atteignant 2 milliards d’euros en 2018. Les structures d’accueil sont souvent inadaptées, et certaines villes peinent à trouver du personnel d’accompagnement qualifié.
Une question sensible
L’Assemblée des départements de France (ADF) ne cesse, depuis trois ans, de tirer le signal d’alarme. Deux sujets préoccupent particulièrement les élus départementaux : d’une part, une participation financière de l’Etat encore très faible (de l’ordre de 140 millions d’euros en 2018) ; d’autre part, la question de savoir s’il est pertinent de confier aux départements le pouvoir de trancher sur qui est mineur et qui ne l’est pas.
Le rapport de la députée de la Nièvre Perrine Goulet (LRM) sur l’aide sociale à l’enfance posait, en juillet, la question de « la pertinence du conseil départemental comme opérateur de l’Etat » sur ce sujet sensible. Le gouvernement n’envisage toutefois pas de recentraliser des compétences qui pourraient effectivement relever du pouvoir régalien.
Peu après son élection, le président Emmanuel Macron avait promis à l’ADF que l’Etat prendrait en charge 100 % des coûts liés à l’accueil de ces jeunes. Or sa participation stagne autour de 15 %. Un groupe de travail mis en place par le secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance, Adrien Taquet, doit rendre un avis sur la répartition territoriale des MNA d’ici à la fin de l’été.
Face à une situation qui se dégrade d’année en année, il est impératif que la France n’abandonne pas ces milliers de mineurs à leur sort. Ils sont des proies particulièrement fragiles pour des réseaux criminels ou risquent, sans prise en charge adéquate, de tomber dans la petite délinquance.
Il est également impératif de dialoguer avec leurs pays d’origine, Guinée en tête, pour tenter de comprendre les sources du problème, et d’adapter l’aide au développement. L’explosion du phénomène doit de toute façon, quelles que soient les décisions prises et la répartition des tâches, relever d’une politique volontariste au niveau national.