A Milan, le luxe décore les intérieurs
A Milan, le luxe décore les intérieurs
Par Véronique Lorelle
Hermès, Armani, Bottega Veneta… Au Salon du meuble, qui se tient jusqu’au 17 avril dans la ville lombarde, les grandes griffes s’imposent dans l’univers du design.
Pour sa première apparition à Milan, en 2011, Hermès Maison avait réédité des meubles du Français Jean-Michel Frank (1895-1941), figure de l’Art déco, en plus d’une banquette d’Antonio Citterio et d’un bureau d’Enzo Mari. Cinq ans après, au Salon du meuble, qui se tient en Lombardie jusqu’au 17 avril, la griffe du 24, faubourg Saint-Honoré a frappé fort avec ces chaises en bois de hêtre et cannage de l’Espagnol Rafael Moneo ou ce majestueux Sofa Sellier en noyer, toile et taurillon de Noé Duchaufour-Lawrance, sans compter les boîtes en laque du designer Pierre Charpin.
Canapé Sellier dans un décor de briques de tufo, par l'architecte Mauricio Rocha pour Hermès. | Hermès
Pour les admirer, rendez-vous est donné au Teatro Vetra, où l’architecte mexicain Mauricio Rocha a érigé 73 colonnes et murs, avec 17 000 briques de tufo, qui servent d’écrin brutaliste au mobilier raffiné d’Hermès. Un lieu singulier, à peine éclairé, où l’esthétique de la collection ressort avec force. L’idée en revient à l’architecte Charlotte Macaux Perelman et à l’éditeur Alexis Fabry, les nouveaux directeurs artistiques choisis par Pierre-Alexis Dumas, directeur artistique général du groupe Hermès, pour donner un élan nouveau à l’univers maison d’Hermès. « L’architecture entretient un rapport au temps long qu’il nous semblait utile d’affirmer dans notre première collection, d’où le recours à Rafael Moneo. Dans le domaine du textile, nous avons pensé notamment aux grands coloristes nord-américains », précisent-ils.
Une forme d’expression artistique
Dans un tout autre cadre – hauts plafonds à caissons et fresques de deux maîtres du XVIIIe siècle, Giambattista Tiepolo et Carlo Carlone –, Bottega Veneta a lancé sa nouvelle collection au Palazzo Gallarati Scotti, qui n’est autre, depuis 2015, que sa boutique pour la maison. Les nouvelles tables de bronze, la commode gainée de cuir, les boîtes en argent ornées de pierres semi-précieuses ou le service de table peint à la main rivalisent par la noblesse des matériaux avec la beauté classique du lieu.
Les boîtes de laque par le designer français Pierre Charpin pour Hermès. | Hermès
L’engagement de Bottega Veneta, dans l’univers domestique, remonte à 2006, avec un simple banc conçu par son directeur artistique, Tomas Maier, inspiré par les lignes de bagages et conçu, comme les collections de mode, dans l’atelier de Vicence, en Vénétie. C’est également là que sont fabriqués la plupart des objets, en collaboration avec les artisans de Murano, la manufacture royale de porcelaine à Berlin ou Poltrona Frau pour les sièges et canapés. « Plus encore que le vêtement, le mobilier nous permet de partager durablement le goût des belles choses, réalisées dans des matières d’exception, comme une forme d’expression artistique », confie Olivier Monteil, directeur de la communication de Bottega Veneta.
Les griffes de luxe s’imposent, jour après jour, comme des acteurs de la décoration, à côté des spécialistes traditionnels de l’ameublement. Lundi 11 avril, sur le Corso Venetia, entouré d’une foule d’admirateurs, Giorgio Armani a présenté, dans sa future boutique consacrée à la maison – elle ouvrira officiellement à l’automne –, le cabinet précieux Club en laiton et bois peint à la main d’un motif océan (une édition limitée à 50 pièces). La tête de pont d’une collection Armani Casa, plus accessible et dans laquelle rien ne manque : de la cuisine à la salle de bains, des sols aux murs jusqu’aux luminaires ou aux canapés. Le style ? Epuré chic, un tantinet japonisant, comme les costumes masculins bien coupés du maestro, le premier à avoir griffé des hôtels à son nom.
Collection Armani Casa, dont le cabinet Club en laque océan, dans le nouvel espace récemment acquis à Milan. | Armani
Sans surprise, Roberto Cavalli Home, le département maison né en 2012 de la griffe de mode, entraîne ses amateurs dans des ambiances safaris, avec pelages de fauve tous azimuts, tandis que Missoni réussit dans la bonne humeur, avec ses imprimés bariolés et un mobilier généreux. La nouvelle gamme d’accessoires d’ameublement de Marni – chaises longues, fauteuils à bascule, petites tables et lampes en bois et PVC tissé à la main dans un patchwork coloré – a été fabriquée en Colombie par une association de femmes qui accède ainsi à un peu d’indépendance.
Le 55e Salon du meuble a accueilli, ce printemps encore, de nouveaux venus. Le groupe Luxury Living Group, qui développe les lignes de mobilier pour Fendi Casa – dont le nouveau fauteuil Blixen par Toan Nguyen –, a lancé la première collection « maison » du constructeur d’automobiles sportives Bugatti (après celle de Bentley), ainsi que celle de Ritz Home. Du bleu assorti au taupe ou au gris, des formes aérodynamiques et des fibres de carbone : tout est prévu pour faire vibrer l’amateur d’une voiture taillée comme une sculpture et autrefois rêvée pour les rois.
« Le Salon de Milan, c’est le Festival de Cannes pour la maison !, s’exclame Vincent Grégoire, du cabinet de style NellyRodi. Avant, on se contentait de diffuser l’imprimé d’une robe ou d’un foulard sur une assiette ou du linge. Désormais, chaque marque peut dicter un art de vivre : les clients qui se reconnaissent dans un style peuvent recevoir chez eux et montrer leur intérieur griffé de la cuisine à la salle de bains, sans faute de goût. »
Première collection art de la table en cristal et marbre par Atelier Swarovski Home | Swarovski
D’ordinaire dans l’ombre des grands noms du luxe, le cristallier autrichien Swarovski est entré dans la danse. Il a lancé, à Milan, sa première ligne d’art de la table – Atelier Swarovski Home –, qui met à contribution neuf designers parmi les plus grands, d’Aldo Bakker à Zaha Hadid (disparue le 31 mars), en passant par Ron Arad. « Cette collaboration nous a poussés à innover, puisque nous avons mis au point découpe ondulée, effet d’impression ou colorisation par UV du cristal », dit Nadja Swarovski, membre de la troisième génération à la tête de l’empire familial. « L’idée est que ces bougeoirs, centres de table ou ces coupes transforment la maison en un lieu d’inspiration et de joie », dit cette amatrice de design et collectionneuse. Commercialisés en septembre, ces articles de table – dont certains strassés comme la robe de Marilyn Monroe pour l’anniversaire de John F. Kennedy – permettront aussi de briller en société.
Salon du meuble de Milan, jusqu’au 17 avril. De 9 h30 à 18 h 30. Quartiere Fiera, Milan. www.salonemilano.it
La collection Bottega Veneta Home dans la boutique située dans un bâtiment historique du XVIIIe siècle, à Milan. | Bottega Veneta