Dépasser Steve Jobs, le rêve d’Elon Musk
Dépasser Steve Jobs, le rêve d’Elon Musk
LE MONDE ECONOMIE
Le PDG de Tesla fait un pari fou : passer de 50 000 véhicules produits en 2015 à près de 1 million, en 2020.
La Tesla Model S electric, au Salon automobile de Pékin, fin avril. | Mark Schiefelbein / AP
On s’étonne régulièrement des foules d’aficionados qui dorment devant les magasins Apple pour figurer parmi les premiers clients d’iPhone à 1 000 dollars pièce. Folie ? Oubliez. Voici que des fans font la queue pour acheter une voiture électrique à 35 000 dollars (30 000 euros). Qui ne sera livrée que dans deux ans. Ils ont été 325 000 à le faire à la fin du mois de mars dans les concessions Tesla. Une première à cette échelle. Si tous ces futurs clients, qui ont déposé chacun 1 000 dollars d’avance, concrétisent leur achat, cela garantira à l’entreprise un chiffre d’affaires de plus de 11 milliards de dollars.
Devant cette perspective stupéfiante, Elon Musk a lancé, mercredi 4 mai, le pari industriel le plus fou de ce début de siècle : multiplier la production de ses voitures par dix en trois ans, et par vingt en cinq ans. Passer de 50 000 véhicules produits en 2015 à près de 1 million, en 2020. Autrement dit, transformer en une demi-décennie un constructeur confidentiel à l’échelle mondiale en un rival de BMW qui a produit, en 2015, 1 million de voitures en Allemagne.
De quoi faire sourire
Un équivalent de la révolution iPhone, mais à une échelle inédite. Il ne s’agit plus de renouveler un secteur de la haute technologie habitué à changer de visage tous les dix ans, mais de révolutionner une industrie vieille de plus d’un siècle et pilier de la société de consommation, l’automobile. De quoi faire sourire les vieux briscards du secteur qui savent si difficiles les montées en cadence dans les usines.
Pour M. Musk, le pari est technologique, managérial et financier. Pour rassurer les investisseurs, le PDG a indiqué qu’il avait installé son sac de couchage dans la salle de réunion de l’usine californienne de Tesla. Cela ne suffira pas à convaincre, alors que la société a produit moins de 15 000 voitures au premier trimestre, un chiffre inférieur à ce qui était prévu, et que les analystes doutent qu’elle atteigne les 80 000 ventes cette année.
Nouveau paradigme
La difficulté, ici, est que l’entreprise ne peut pas compter, comme Apple avec ses iPhone, sur des sous-traitants capables de fabriquer son produit de A à Z. Tout est internalisé, y compris la production de son composant-clé, les batteries, qui seront fabriquées dans l’usine géante du Nevada, en cours de construction.
Sur le plan managérial, tout est à rebâtir après le départ de deux vice-présidents chargés de la production. Enfin, l’hypothèque financière est totale. L’entreprise creuse ses pertes, 282 millions de dollars depuis janvier. Pour investir des milliards de dollars en recherche et en production, il faudra lever des capitaux en masse. C’est sûrement la raison de la sortie spectaculaire d’Elon Musk. Il est aujourd’hui le seul constructeur automobile à pouvoir vendre du rêve aux investisseurs, celui d’un nouveau paradigme d’une industrie qui se réinvente dans un coin de Californie. S’il y parvient, contre l’avis des spécialistes, alors Steve Jobs aura trouvé un successeur à sa (dé)mesure.