Les hôtels doivent « intéresser leurs équipes à la satisfaction des clients » pour « conserver leur part de marché »
Les hôtels doivent « intéresser leurs équipes à la satisfaction des clients » pour « conserver leur part de marché »
Par Nathalie Bénet (Centre de recherche en management de Toulouse)
Face aux logeurs individuels, très concernés par les avis de leurs clients, un hôtelier sur trois seulement récompense son personnel lorsque les touristes expriment leur satisfaction, constate Nathalie Bénet, du Centre de recherche en management, qui incite à un changement rapide des pratiques de management hôtelier si la profession veut garder sa part de marché.
« Les hébergeurs individuels voient d’emblée le lien entre avis positifs et revenus à moyens termes ». | JOHN MACDOUGALL / AFP
Par Nathalie Bénet, Centre de recherche en management de Toulouse
La croissance phénoménale des plates-formes type Airbnb ou Homestay qui mettent en relation touristes et hébergeurs privés, constitue pour les hôteliers un défi majeur. Depuis la création d’Airbnb en 2008, 7 millions de voyageurs ont utilisé ses services en France, dont la moitié au cours de la seule année 2015.
Paris est la ville la plus concernée au monde par ce mouvement, avec plus de chambres proposées qu’à New York. Et cet essor est voué à continuer : la plate-forme et ses dizaines de milliers de loueurs ponctuels s’attaquent désormais au tourisme d’affaires, particulièrement rémunérateur.
Quelles solutions pour résister à la déferlante ? La question de la fiscalité est posée, cruciale. Les hôtels réclament une chasse aux locations non déclarées, et aux petits malins qui font un business à plein-temps d’une activité taxée comme activité occasionnelle.
Mais au-delà, il s’agit pour les hôtels de réussir à nourrir le « good buzz », de susciter des remerciements chaleureux, des commentaires louangeurs. Les hébergeurs individuels savent fort bien comment y parvenir. Ils se mettent en quatre pour accueillir les voyageurs avec une bonne bouteille ou un gâteau maison. Ils leur donnent de bons tuyaux pour profiter du quartier, qu’ils se sentent comme à la maison… et s’expriment en ce sens sur le net !
Aucune ou peu de gratification
L’exercice est plus délicat pour des entreprises hôtelières, dont les responsables ne sont pas, la plupart du temps, en première ligne pour recevoir les clients et missionnent pour cela des salariés souvent rémunérés à peine plus que le smic.
Une recherche menée en 2014 sur un échantillon d’hôtels en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, montre que seul un établissement sur trois, dans cette région emblématique du tourisme français, dispose d’un système de gestion lui permettant de tenir compte de la satisfaction des clients lorsqu’il rémunère son personnel.
L’information pourrait sembler anodine. Mais si les salariés de l’hôtellerie ne reçoivent aucune ou peu de gratification lorsque les clients font part de leur satisfaction, on ne peut s’étonner du succès des hébergeurs individuels, qui eux, voient d’emblée le lien entre avis positifs et revenus à moyens termes.
Dans un contexte de ralentissement de l’activité touristique, après les attentats qui ont endeuillé la France, le sujet est particulièrement brûlant, même si tous les hôteliers ne sont pas égaux face à ces défis.
Formations
Les grandes chaînes ont mis en œuvre des politiques concertées. Accor par exemple propose dans ses hôtels des systèmes de rémunération prenant en considération la performance des individus et des équipes. Les cadres sont rémunérés avec une part variable ; tous les salariés disposent d’un plan d’épargne salariale, d’un intéressement et d’un système de participation aux résultats. Mais ces grandes chaînes ne représentent qu’environ 20 % des hôtels français.
Il est urgent que l’ensemble des hôtels se mobilisent, en particulier les hôtels de milieu et de bas de gamme particulièrement touchés par la concurrence. Les établissements organisés en réseau comme Best Western, mettent déjà en commun une partie de leur effort de communication et de marketing. Ils pourraient aussi s’allier pour concevoir des politiques de ressources humaines incitatives, permettant d’intéresser finement leurs équipes à la satisfaction des clients.
La profession pourrait également organiser des formations pour soutenir les établissements indépendants, souvent en grande difficulté dans le contexte actuel. Une telle politique contribuerait à diminuer le turn-over important dans ce secteur où les salariés ne restent pas toujours volontiers. Elle aiderait aussi les hôtels à conserver leur part de marché.
La loi Macron d’août 2015 permet aux petites entreprises qui mettent en place des mécanismes de participation et d’intéressement de bénéficier d’une fiscalité plus favorable. Elle pourrait être mise en œuvre avec profit.