Des farines « magiques », solution à la malnutrition infantile en Afrique
Des farines « magiques », solution à la malnutrition infantile en Afrique
Par Florence Mouton
Zoom sur deux initiatives originales qui permettent la fabrication et la distribution locales d’aliments adaptés aux enfants de 6 mois à 2 ans.
A Conakry, en Guinée. | GABRIEL BOUYS/AFP
Des solutions existent pour lutter durablement contre la malnutrition chronique dans les pays les moins avancés. L’une d’elles consiste à rendre accessibles au plus grand nombre des farines infantiles de complément destinées à la période d’après sevrage. Pour que les coûts de production et de distribution soient compatibles avec les niveaux de vie de ces pays, ces farines sont fabriquées localement, à partir de matières premières disponibles sur place. Ce qui permet également d’adapter les produits aux besoins et aux attentes des populations et de développer des filières locales de transformation.
La malnutrition a de multiples causes : la pauvreté, le faible accès à une nourriture de qualité et à des centres de santé, un environnement insalubre ou le manque d’eau potable et d’assainissement. Mais elle provient aussi de l’inadaptation des soins prodigués aux enfants dans leurs deux premières années. C’est pourquoi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande que les nourrissons soient allaités exclusivement jusqu’à 6 mois. La période de sevrage et les mois qui suivent sont essentiels, un allaitement partiel étant d’ailleurs conseillé jusqu’aux 2 ans de l’enfant. Parfois, le sevrage s’effectue très brutalement. Or l’enfant, dans cette période, a des besoins spécifiques qui ne peuvent être comblés en « piochant » dans le plat familial.
Selon l’Unicef, chaque année, la malnutrition est responsable de plus d’un tiers des décès chez les enfants de moins de 5 ans dans les pays en développement. Et lorsqu’elle touche les bébés dans leurs mille premiers jours, les conséquences sont particulièrement lourdes et irréversibles avec des retards de croissance et de développement intellectuel qui empêcheront l’enfant de poursuivre un apprentissage normal et d’être en capacité de travailler.
Plusieurs actions de lutte contre la malnutrition infantile ont donc vu le jour ces vingt dernières années, comme celles de l’association Misola en Afrique de l’Ouest et celles de l’entreprise Nutri’zaza à Madagascar.
Restaurants pour bébés
Créée en 1995 au Burkina Faso, l’association Misola a mis au point une farine protéinée enrichie en vitamines et en oligo-éléments. Si la marque Misola a été déposée, la recette, elle est libre de droits. L’association s’est déployée au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Sénégal et au Bénin en adaptant sa recette aux matières premières locales et en soutenant la création de très petites unités de production artisanales. Ces groupements de trois à dix femmes, adhérents au réseau associatif Misola, produisent des farines de bonne qualité nutritionnelle et sanitaire à un coût très accessible.
Parallèlement, Misola a développé un programme d’appui à l’éducation nutritionnelle, apprenant aux mères, dans des zones rurales isolées à préparer elles-mêmes des bouillies à partir d’aliments bruts.
Autre expérience à Madagascar, où l’entreprise Nutri’zaza permet à 8 000 enfants de manger quotidiennement une farine, la Koba Aina, également fabriquée à partir de matières premières locales, enrichies de vitamines et de minéraux. L’originalité du concept consiste en la création d’un réseau de restaurants pour bébés dès le début des années 2000, où les familles se rendent pour faire manger leurs enfants ou acheter la Koba Aina. Dans ces Hotelin-jazakely, ce sont des animatrices de quartier qui préparent et vendent les bouillies, et en profitent pour faire un travail de sensibilisation et d’éducation nutritionnelle.
La fabrication de ces farines « magiques » rencontre bien évidemment des difficultés, notamment liées à la contrainte d’un produit accessible au plus grand nombre tout en recherchant l’équilibre financier. Or les concentrés de vitamines et de minéraux à incorporer dans les préparations doivent être importés et représentent un coût élevé. D’autre part, obtenir un approvisionnement de qualité régulière en matières premières locales est difficile. Enfin, l’environnement économique n’est souvent pas favorable à l’entreprenariat social.
Le développement de ces productions mérite néanmoins d’être fortement soutenu pour la réponse qu’elles apportent à la malnutrition chronique tout en valorisant les filières locales de production et de transformation.
Florence Mouton est experte en sécurité alimentaire et nutritionnelle au sein de la division recherche et développement de l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique).