« The Big Lebowski », polar sens dessus dessous
« The Big Lebowski », polar sens dessus dessous
Les frères Coen se sont emparés du « Grand Sommeil », de Raymond Chandler, pour le lire à l’envers (dimanche 5 juin à 20 h 55 sur France 4).
"The Big Lebowski" Official Trailer
Durée : 02:35
Les frères Coen se sont emparés du « Grand Sommeil », de Raymond Chandler, pour le lire à l’envers.
En vrais frères, sûrs de la qualité de leur jouet, Ethan et Joel Coen ont définitivement élu le terrain qu’ils se départagent : celui des romans policiers américains des années 1930 et 1940. Miller’s Crossing était une adaptation masquée de La Moisson rouge, de Dashiell Hammett. The Big Lebowski s’inspire du Grand Sommeil, de Raymond Chandler.
Immense acteur, John Goodman interprète Walter Sobchak dans le film des frères Coen « The Big Lebowski » qui met en vedette Jeff Bridges. | © 1998 Universal Studios. All Rights Reserved.
Le devoir ressemble à une copie d’élève appliqué : The Big Lebowski fait écho au Big Sleep. L’action se déroule à Los Angeles, et les nombreux coups sur la tête reçus durant le film par Lebowski renvoient à la série de coups de matraque auxquels le crâne de Marlowe était abonné. Mais, très vite, l’élève studieux laisse place au potache, au cancre qui écrit dans la marge et dessine entre les lignes.
Les Coen ont conservé de Chandler la marque d’une histoire qui ne progresse pas et que l’on doit reprendre à plusieurs reprises. On s’empêtre dans The Big Lebowski, film qui conteste sa propre cohérence un peu comme Chandler revendiquait le droit d’écrire un roman sous sédatifs, où le romancier gagnerait le droit de laisser son lecteur patauger dans la mélasse.
Poème à Los Angeles
The Big Lebowski raconte l’histoire d’un homme qui n’accepte pas que l’on débarque dans son studio pour pisser sur son tapis. Il n’y a pas de quoi en faire un film, tout juste de quoi alerter les services d’hygiène ou une association de sauvegarde des tapis persans. Ou, comme le Lebowski en question, aller trouver un milliardaire reclus dans son immense demeure, revendiquer un tapis neuf, et repartir investi d’une mission très chandlerienne : retrouver la trace de sa fille kidnappée.
"The Big Lebowski" en 5 minutes - Blow up - ARTE
Durée : 05:29
Mais le film vaut plus que son intrigue. Les Coen se sont emparés d’un livre de Chandler pour le lire à l’envers. Au fil de ses romans, celui-ci étalait de plus en plus sa nostalgie. La virilité de Marlowe se transformait en faiblesse. Il y a une seule scène de violence, ou presque, dans le film des frères Coen. Celle où Lebowski découvre, dans un mouchoir, un orteil sectionné. Mais c’est une scène essentielle, comme pour nous prévenir, comme pour dire à Lebowski de se réveiller, et à travers lui, secouer une humanité sur qui le temps et l’histoire n’ont aucune prise.
The Big Lebowski est un film merveilleux et toxique. C’est un long poème à Los Angeles et, plus rare, à ses autoroutes, comme Taxi Driver l’était pour la nuit new-yorkaise. C’est surtout un film qui affiche sa nostalgie, la revendique. Un authentique film chandlerien.
The Big Lebowski, de Joel et Ethan Coen. Avec Jeff Bridges, John Goodman, Julianne Moore, Steve Buscemi, Philip Seymour Hoffman, John Turturro (EU, 1998, 117 min). Le dimanche 5 juin à 20 h 55 sur France 4.
L’une des affiches de « The Big Lebowski ». | DR