L’assaillant de Toronto était un jeune converti surveillé par les autorités
L’assaillant de Toronto était un jeune converti surveillé par les autorités
Par Anne Pélouas (Montréal, correspondance)
Aaron Driver, décrit comme perturbé et rebelle par son père, se serait vite radicalisé après avoir adopé l’islam au début des années 2010.
Aaron Driver en février 2016, au palais de justice de Winnipeg. | John Woods / AP
La police canadienne a abattu, mercredi 10 août, un jeune sympathisant de l’organisation Etat islamique qui s’apprêtait à commettre un attentat-suicide dans un lieu public. Aaron Driver, 24 ans, sortait de chez sa sœur à Strathroy, au sud-ouest de Toronto, et venait de s’asseoir dans un taxi, a révélé jeudi Mike Cabana, porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Quand la police a voulu l’arrêter, il a déclenché un engin explosif à l’arrière du taxi. Le chauffeur a été blessé tandis qu’un policier faisait feu sur le jeune homme. Le plus important, a estimé M. Cabana, c’est qu’« une tragédie a été évitée ».
La GRC avait été prévenue par le FBI d’une menace proférée par un individu semblant dans ses derniers préparatifs pour commettre un attentat. Elle avait alors visionné une vidéo dans laquelle l’homme cagoulé et vêtu de noir prêtait allégeance à l’EI et menaçait le Canada. Selon les informations fournies par le FBI à 8 h 15 heure locale, l’attentat devait avoir lieu dans les soixante-douze heures et viser un « centre urbain aux heures de pointe », a précisé M. Cabana.
Alias Harun Abdurahman
Les policiers ont alors cherché à identifier l’individu à partir de la vidéo, des réseaux sociaux et de leurs fichiers. Dès 11 h, Aaron Driver était présenté comme suspect numéro un et une vaste opération de police déclenchée dans le quartier où il résidait à Strathroy. A 16 h 30, Aaron Driver déclenche son dispositif explosif à la vue des forces de l’ordre.
Il se serait converti à l’islam au début des années 2010, adoptant le nom d’Harun Abdurahman. Il s’est rapidement radicalisé. En 2015, la police avait appris qu’il entretenait via Internet des relations suivies avec plusieurs djihadistes britanniques et américains. Elle avait aussi intercepté des messages cryptés avec deux membres connus de l’EI.
Le jeune homme était sur le radar des autorités canadiennes depuis la fin 2014, figurant sur la liste de surveillance du Service canadien du renseignement de sécurité pour avoir exprimé ses sympathies envers l’EI sur les réseaux sociaux. Il avait aussi accordé un entretien au Toronto Star en février 2015, dans lequel il justifiait les attentats commis dans le centre-ville d’Ottawa en octobre 2014 et exprimait son intérêt à se rendre dans un pays contrôlé par l’EI.
« Il n’avait plus l’obligation
de porter de bracelet »
Ce n’est qu’en juin 2015 que la police l’arrête à Winnipeg (Manitoba, centre). Lors d’une perquisition, on retrouve des recettes d’explosifs dans son ordinateur. Placé sous ordonnance judiciaire, il est remis en liberté sous conditions, dont celle de porter un bracelet électronique et de déménager chez sa sœur en Ontario (est). « Il n’était plus surveillé depuis début 2016 et n’avait plus l’obligation de porter de bracelet », a précisé M. Cabana. « Nous manquons souvent d’éléments de preuve pouvant justifier une poursuite en matière de sécurité nationale », a-t-il ajouté, tout en admettant que la police manque aussi de moyens pour surveiller en permanence de tels individus.
Aaron Driver était un jeune perturbé et rebelle, surtout après le décès de sa mère, survenu lorsqu’il avait 7 ans, a raconté jeudi son père Wayne Driver, ancien caporal de l’armée de l’air. Les relations avec son fils étaient difficiles : « Il était très secret et distant. » Le père dit qu’au début des années 2010, il a craint que son fils devienne un « extrémiste radical ». Celui-ci a ensuite carrément coupé les ponts avec son père.
Au lendemain de l’opération policière, des critiques ont fusé contre un manque de prévention auprès des jeunes en situation difficile dont certains vont choisir la voie de la radicalisation islamique. En matière de prévention, « nous avons plusieurs années de retard », a reconnu jeudi le ministre de la sécurité publique, Ralph Goodale.