Sur l’île de Ventotene, marathon diplomatique pour réenchanter l’Europe
Sur l’île de Ventotene, marathon diplomatique pour réenchanter l’Europe
Par Marc Semo, Salvatore Aloïse (A bord du "Garibaldi" au large de l’île de Ventotene (Italie), envoyé spécial)
Fragilisés, les dirigeants français, allemand et italien veulent du concret pour tenter de surmonter le Brexit.
La chancelière allemande, Angela Merkel, le président français, François Hollande et le premier ministre italien, Matteo Renzi, sur la tombe d’Altiero Spinelli, un des inspirateurs du projet européen, sur l’île de Ventotene, lundi 22 août 2016. | CARLO HERMANN / AFP
Derrière eux, l’île de Ventotene, où Altiero Spinelli, l’un des inspirateurs du projet européen, déporté là par le régime fasciste, écrivit son Manifeste pour l’Europe en 1941. Devant, le drapeau de l’Union européenne (UE) qui se dresse sur le Garibaldi, le porte-aéronefs qui, dans le cadre de l’opération européenne « Sophia », coordonne le contrôle des frontières maritimes tout en assurant le sauvetage des migrants.
Si le président du conseil italien, Matteo Renzi, a choisi d’inviter ici, lundi 22 août, le président français, François Hollande, et la chancelière allemande, Angela Merkel, c’est qu’il voulait miser sur ces éléments éminemment symboliques pour relancer une certaine idée de l’Union.
« Beaucoup pensaient qu’après le Brexit, l’Europe était finie ; ce n’est pas le cas », a affirmé Matteo Renzi à l’issue de ce mini-sommet méditerranéen à trois. C’est la seconde fois depuis le référendum britannique en faveur d’une sortie de l’UE, le 23 juin, que les trois dirigeants se rencontrent.
Leur réunion vise à préparer le sommet extraordinaire de Bratislava, le 16 septembre, à « Vingt-Sept », sans le Royaume-Uni, qui est censé apporter des réponses concrètes à la crise existentielle de l’UE et aux menaces pesant sur le projet européen. « Le risque majeur, ça vaut pour l’Europe comme pour les nations, c’est la dislocation, la fragmentation, l’égoïsme, le repli », a averti le président français.
Lutte commune contre le terrorisme
Les trois dirigeants n’en sont pas moins restés très prudents sur leurs réponses concrètes. Pour des raisons différentes, ils sont tous très affaiblis politiquement. M. Hollande a peu de chances de remporter l’élection présidentielle du printemps 2017. M. Renzi joue son va-tout politique à l’automne, avec un référendum sur les réformes constitutionnelles après lequel il démissionnera en cas d’échec.
Mme Merkel elle-même, devenue de fait le véritable leader de l’UE, doit faire face à la montée d’une extrême droite qui prospère sur le rejet des réfugiés. La relance européenne ne sera donc pas simple et cette brève rencontre au large de Ventotene n’est que la première étape d’un marathon diplomatique, notamment pour la chancelière, avant le sommet dans la capitale slovaque.
A bord du Garibaldi, les trois dirigeants ont à nouveau mis en avant, comme lors de leur précédente réunion de Berlin le 27 juin, les thèmes pouvant redonner du souffle au projet européen et surtout le rendre plus concret pour les citoyens : la sécurité, avec, sur le plan interne, la poursuite de la lutte commune contre le terrorisme et la mise en place d’un contrôle des frontières externes de l’UE. La relance économique, par des objectifs ambitieux d’investissements. Et, enfin, des mesures en faveur des jeunes en amplifiant la mobilité et les possibilités de formation et d’emploi.
Tous les trois les ont énumérés lors de la conférence de presse finale, même si chacun a mis l’accent sur l’aspect qu’il juge prioritaire.
François Hollande a insisté sur les questions sécuritaires, en prônant « davantage de contrôle sur les accès aux sites incitant au djihad ». Le président français se dit favorable à une coordination plus serrée dans la lutte contre le terrorisme avec le partage des fichiers sensibles sur les possibles terroristes et une offensive contre le cryptage des applications de messagerie. Il a aussi avancé une politique de défense, pour faire de l’Europe « une puissance à l’extérieur afin qu’elle ait un rôle à jouer ».
Question migratoire cruciale
La question migratoire est aussi cruciale, autant pour l’Italie, désormais en première ligne depuis que la route des Balkans est fermée, que pour l’Allemagne, alors que l’accord avec la Turquie pour fixer sur son sol les réfugiés syriens est toujours plus menacé. Le corps européen des gardes-frontières et gardes-côtes mis en chantier il y a un an, et auquel la France devrait contribuer avec quelque 170 personnes, devrait voir le jour d’ici la fin de l’année.
M. Hollande comme M. Renzi ont à l’unisson insisté sur la nécessité de sortir « d’une Europe comptable ». « Il faut aussi prendre des mesures fortes pour relancer la croissance et lutter contre le chômage des jeunes, et revenir à l’Europe des valeurs, plutôt qu’à celle de la finance », a lancé Matteo Renzi, qui ne cesse de dénoncer l’austérité et l’équilibre des comptes publics comme seul horizon pour l’UE.
A l’instar de la France, il réclame davantage d’investissements et surtout de flexibilité en matière de discipline budgétaire. Angela Merkel est restée sur la réserve à ce sujet, tout en accordant un soutien appuyé aux « réformes courageuses » engagées par Matteo Renzi avec notamment le « Jobs Act » – la réforme du marché du travail.