Le PDG d’Air France-KLM fustige le projet d’une taxe sur les billets d’avion
Le PDG d’Air France-KLM fustige le projet d’une taxe sur les billets d’avion
LE MONDE ECONOMIE
Cette mesure, destinée à financer la future liaison ferroriaire entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle, coûterait à Air France 17 millions d’euros par an, selon M. Janaillac.
Le patron d’Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, le 27 juillet à Paris. | ERIC PIERMONT / AFP
« Totalement inacceptable. » D’un ton sec, le nouveau PDG d’Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac a rejeté jeudi 25 août le projet du gouvernement d’une taxe sur les billets d’avion pour participer aux travaux du CDG Express. Dans une lettre au premier ministre, Manuel Valls, il s’oppose à ce financement de la future liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle, révélé quelques heures auparavant par Les Echos. La réponse est d’autant plus rapide que le projet devrait être inscrit dans le collectif budgétaire de fin d’année. Il prendrait la forme d’un prélèvement de 1 euro par passager à l’arrivée et au départ de Roissy le temps des travaux entre 2017 et 2023.
La démonstration est sans appel selon la compagnie. Il s’agit de faire supporter une charge à des passagers pour un service dont ils ne bénéficieront, puisque le chantier sera en cours. « Ce prélèvement alourdirait encore plus les charges déjà élevées qui pèsent sur la compétitivité du transport aérien français, explique le PDG à Manuel Valls, rappelant à ce propos les conclusions du rapport Le Roux. Les passagers n’étant pas disposés à payer plus chers leurs billets d’avion, la taxe pèserait de fait sur les seuls comptes de la compagnie. » Pour Air France, cela représentera « au moins 17 millions d’euros par an, soit au total 102 millions d’ici à 2023, en prenant l’hypothèse basse d’1 euro par passager à l’arrivée et au départ, hors correspondance ».
Se tirer une balle dans le pied
Plus préoccupant, cet alourdissement intervient au moment même où Jean-Marc Janaillac prépare son plan stratégique qu’il présentera en novembre.
« Les personnels d’Air France et leurs représentants ne comprendraient pas une telle décision, alors qu’ils ont le sentiment de consentir d’importants efforts depuis plusieurs années, prévient -il. Dans un contexte social dont vous connaissez la sensibilité, l’annonce d’une taxe supplémentaire de cette nature mettrait en grave péril le travail que j’ai entrepris depuis moins de deux mois pour bâtir un projet stratégique crédible. »
Les modalités de financement de ce projet de ligne confié à SNCF Réseau, l’établissement public chargé des infrastructures ferroviaires et Paris Aéroport, du groupe ADP, montre comment l’Etat actionnaire de deux entreprises Air France KLM (17,5 %) et groupe ADP (50,63 %) pèse sur l’une pour financer l’autre. Une pratique régulière même si la compagnie française n’est pas la seule à la subir. Elle concerne toutes les compagnies atterrissant à Paris, ce qui peut aussi pousser certains transporteurs étrangers à se dérouter vers d’autres « hub ». Une manière de se tirer une balle dans le pied.
Pour le délégué général de la fédération de l’aviation marchande, Guy Tardieu, ce type de financement pour CDG Express « revient à réduire et à fragiliser la marge » des compagnies aériennes, en particulier celles basées en France. Il réclame « une compensation » pour « que ce soit au moins neutre ».
Ce projet de taxe serait soutenu par l’Agence des participations de l’Etat, pour qui les effets de cette liaison express seront bénéficiaires à l’entreprise concessionnaire d’aéroport. Au siège d’Air France, chacun y va de sa comparaison pour justifier l’aberration de ce financement de CDG Express. « Quand nous achetons des A380 nous ne demandons pas à Aéroport de Paris de participer au financement, même si l’arrivée supplémentaire de passagers sera bénéfiques pour le chiffre d’affaires de leurs boutiques », entend-on. Autre angle d’attaque : demande -t-on aux passagers de financer les travaux de l’autoroute A1 qui passe vers Roissy ?
Cette réaction des plus rapides illustre la volonté de Jean-Marc Janaillac de ne rien laisser passer. Cette première passe d’armes avec le gouvernement devrait effacer les doutes de certains quant à sa marge de manœuvre à la tête de la compagnie en raison de sa proximité avec François Hollande. Tous deux sont issus de la promotion Voltaire de l’ENA.