Les législatives russes, entre participation disparate et rumeurs de fraude
Les législatives russes, entre participation disparate et rumeurs de fraude
Par Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)
Cent dix millions de citoyens étaient appelés aux urnes dimanche 18 septembre.
Des cadets de la marine russe votent à Sébastopol, dans la Crimée annexée par Moscou, le 18 septembre. | VASILY BATANOV / AFP
La machine remercie poliment, « spassiba ». A Moscou, dans quelque 600 bureaux électoraux, des urnes électroniques ont été installées pour la première fois et, sitôt le bulletin aspiré, le nouveau nombre de votants, tout comme leurs choix, sont immédiatement comptabilisés. A la sortie du bureau numéro 7, dans le quartier Arbat de la capitale, une retraitée confie : « Je suis venue parce que c’est mon devoir de citoyenne, mais je ne crois pas à un changement dans notre vie politique car Russie Unie [le parti au pouvoir] est partout avec Poutine, Medvedev... » Avec une pension mensuelle de 14 500 roubles (200 euros), elle a choisi le Parti des retraités. Cent dix millions de Russes étaient appelés à élire, dimanche 18 septembre, leurs députés et, pour certains, leurs gouverneurs et chefs régionaux.
Peu après 15 heures, le taux de participation atteignait 33 % sur tout le territoire, soit un peu moins que lors des précédentes élections législatives de 2011, mais avec des disparités sidérantes. Dans le Caucase russe, 73 % des électeurs du Daghestan, et près de 70 % en Tchétchénie, s’étaient déjà rendus aux urnes. A Grozny, Ramzan Kadyrov a pu esquisser sans crainte une danse traditionnelle devant son bureau de vote. Personne n’osera contester le dictateur tchétchène, au pouvoir depuis 2007, mais qui, ce dimanche, passait son premier test électoral. A contrario, la participation s’annonçait très faible dans l’extrême est. En Crimée, la péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014, les habitants participaient pour la première fois à des élections russes sur fond de tension. Leurs voix ne seront pas reconnues par la communauté internationale.
Très vite après l’ouverture des bureaux de vote, les premiers messages d’alerte sont apparus sur les réseaux sociaux, concernant des fraudes. Les caméras, installées dans les écoles, les gymnases ou les centres culturels transformés en centres électoraux, ont parfois saisi des images surprenantes comme dans cette vidéo, à Rostov-sur-le-Don, où l’on a aperçu une femme, protégée des regards par deux personnes, remplir une urne de liasses de bulletins. Dans l’Altaï, les rapports sur des violations ont pris une telle ampleur que la présidente de la Commission centrale électorale, Ella Pamfilova, a promis de « prendre les mesures les plus sévères, (…) jusqu’à l’annulation du vote » si des fraudes étaient avérées.
L’ex-commissaire aux droits de l’homme a, en revanche, qualifié de « spéculations » et d’« hystérie » les rumeurs sur les « carrousels ». En Russie, il est possible de voter ailleurs que dans le bureau où l’on est inscrit, si l’on est en déplacement. Ces votes « détachés », nourrissent traditionnellement les inquiétudes et beaucoup ont dénoncé des cortèges de faux électeurs qui voteraient plusieurs fois. Rien de tel dans la salle de cinéma du quartier Choukino, dans le nord-ouest de Moscou. « Tout va bien, sur 1 368 inscrits, nous n’avons eu que 18 votes détachés pour le moment », assure avec le sourire la présidente du bureau de vote, Renata Solodovnikova. Observatrice rémunérée du scrutin pour le Parti communiste, Vassilina, 18 ans, promettait pour sa part de regagner à temps son propre quartier pour aller voter Russie Unie, le parti au pouvoir. « Poutine me plaît, il est bon », glisse-t-elle timidement.
Le parti pro-Kremlin devrait remporter sans surprise ces élections, ouvrant ainsi la voie à une éventuelle nouvelle candidature de Vladimir Poutine pour un quatrième mandat présidentiel en 2018. « Je savais pour qui voter, vous êtes sûrement au courant », a plaisanté le chef du Kremlin en glissant son bulletin.