Après Engie, l’Etat veut faire la lumière sur les accords fiscaux des autres entreprises
Après Engie, l’Etat veut faire la lumière sur les accords fiscaux des autres entreprises
Par Anne Michel, Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Bruxelles soupçonne le groupe énergétique français, encore propriété de l’Etat à hauteur de 33 %, d’avoir bénéficié d’une aide d’Etat illégale grâce à des accords fiscaux passés avec le Luxembourg.
La PDG d’Engie Isabelle Kocher, en mai 2016. | BENOIT TESSIER / REUTERS
La réaction n’a pas tardée. Alors que Bruxelles soupçonne le groupe énergétique français Engie, encore propriété de l’Etat à hauteur de 33 %, d’avoir bénéficié d’une aide d’Etat illégale à travers des accords fiscaux passés avec le Luxembourg, le ministre de l’économie et des finances, Michel Sapin, a demandé à l’Agence des participations de l’Etat (APE) de regarder si les entreprises relevant de son périmètre ont conclu de tels accords fiscaux avec des Etats de l’Union européenne, en particulier le Grand-Duché, selon des informations du Monde confirmées par Bercy.
Le ministère des finances entend faire la lumière sur les pratiques fiscales des entreprises dont l’Etat est actionnaire, au lendemain de l’annonce, par la Commission européenne, lundi 19 septembre, de l’ouverture d’une enquête approfondie sur de possibles aides d’Etat illégales ayant bénéficié à Engie (ex-GDF Suez) au Luxembourg.
« Lutter contre les aides d’Etat de nature fiscale »
Il s’agit de vérifier que certains de ces accords ne contreviennent pas au droit européen en matière de concurrence. « La Commission européenne est dans son bon droit en vérifiant la légalité des accords fiscaux entre entreprises et Etats, nous soutenons totalement ses efforts pour lutter contre les aides d’Etat de nature fiscale », indique-t-on dans l’entourage de M. Sapin.
Tout en précisant que « la pratique des rulings [les accords fiscaux visés par Bruxelles] n’est pas une pratique française, celle-ci consistant au contraire à surveiller avec la plus grande vigilance les entreprises, et notamment leur usage des prix de transfert» -cette technique de facturation entre fililale d’un même groupe, parfois dévoyée pour éluder l’impôt.
Se refusant à tout commentaire sur les accords visés par Bruxelles Engie, Bercy se contente d’indiquer qu’il « suivra de près l’enquête ». Une source proche du gouvernement glisse -opportunément- que ces accords sont datés de 2009 et 2011, donc antérieurs au quinquennat de François Hollande...
Une façon de déminer toute vélléité d’exploitation politique du dossier Engie, dont les accords fiscaux avantageux pointés par Bruxelles ont bénéficié à l’entreprise et à ses actionnaires, dont l’Etat.
La commissaire en tournée américaine
Vingt jours seulement après l’annonce de la condamnation record du géant Apple à rembourser 13 milliards d’euros à l’Irlande – au titre d’un accord fiscal jugé illégal – Bruxelles frappe donc une nouvelle fois ort, sur le terrain de la fiscalité et des aides d’Etat.
Si Bruxelles enquête sur les pratiques des Etats membres en matière d’accords fiscaux depuis juin 2013, et a déjà dans son champ de mire de nombreux dossiers, le « timing » de cette annonce ne doit probablement rien au hasard.
L’information tombe précisément le jour où la commissaire à la concurrence, la désormais célèbre Margrethe Vestager, commence une tournée américaine. Comme si elle avait voulu se prémunir du procès que lui fait Washington de ne s’en prendre qu’à des sociétés américaines, après le retentissant cas Apple.
Cette fois, Bruxelles soupçonne fortement Engie de n’avoir pas respecté la législation fiscale en vigueur au Luxembourg. Dans son viseur, deux accords fiscaux (« rulings ») conclus avec le pays, émis depuis septembre 2008, visant deux types de transactions similaires entre quatre filiales luxembourgeoises du groupe.