Le commerce illégal, en hausse, reste la première menace pour la survie du tigre
Le commerce illégal, en hausse, reste la première menace pour la survie du tigre
Par Angela Bolis
Depuis l’an 2000, 1 750 tigres ont été saisis, sous forme d’os, de peaux, d’animaux morts ou vifs, dans le trafic de cette espèce en Asie.
Un tigre dans une cage, à Ton Pheung, au Laos, en avril 2015. | CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Il reste 3 890 tigres sauvages sur Terre. Depuis l’an 2000, ce sont pourtant 1 750 spécimens qui ont été saisis, sous forme d’os, de peaux, d’animaux morts ou vifs, dans le commerce illégal de cette espèce en Asie. Soit l’équivalent de près de la moitié de la population existante. Et ce chiffre ne cesse d’augmenter, selon un rapport du World Wide Fund (WWF) et de Traffic (alliance du WWF et de l’Union internationale pour la conservation de la nature - UICN), présenté à l’occasion de la convention sur le Commerce international des espèces de faune et flore sauvages menacées d’extinction (Cites), qui se réunit jusqu’au 5 octobre en Afrique du Sud.
Alors que les tigres sont inscrits à l’annexe 1 de la Cites – listant les animaux les plus menacés et dont le commerce est illégal –, et qu’ils sont considérés en voie d’extinction par l’UICN, la survie de cette espèce est toujours compromise par les braconniers et les trafiquants. Ce commerce, prospérant grâce à une législation défaillante et peu appliquée, constitue, selon le WWF, « la plus grande menace directe » pour le Panthera tigris. Plus grande encore que la réduction, pourtant drastique, de leur habitat, qui aurait encore diminué, selon l’organisation non gouvernementale, de 42 % entre 2006 et 2014.
De l’Inde à la Chine
Dans son enquête, le WWF a passé au crible 801 saisies enregistrées dans les treize « pays du tigre », situés entre la Russie, l’Inde et l’Asie du Sud-Est. La Chine ressort comme le premier destinataire de ces marchandises. Et l’Inde, plus grand foyer du félin, apparaît comme leur source principale, suivie de la Thaïlande, du Népal, de la Chine et du Vietnam. Le sous-continent concentre 44 % des saisies enregistrées entre 2000 et 2015, bien que ce chiffre ait tendance à diminuer.
Cette baisse, peu concordante avec les informations de presse, trahirait toutefois des biais dans la base de données Tigernet, qui centralise toutes les saisies de tigre en Inde – une initiative unique en Asie. Plus généralement, le WWF invite à prendre avec prudence ces données officielles sur les saisies de tigres, leur évolution pouvant découler de méthodes de décompte différentes ou de contrôles accrus.
Carte issue du rapport du WWF et de Traffic sur le commerce illégal de tigres dans treize pays d’Asie, en septembre 2016.
La peau est la plus convoitée
Ces données nationales donnent toutefois un aperçu plus précis de ce qui se vend et s’achète sur le marché asiatique du tigre. La peau du félin, d’abord, reste la marchandise la plus convoitée, présente dans 43 % des saisies. Les élites indonésiennes raffolent de cet objet de luxe, note le WWF.
Le commerce d’os, de canines, et de « vin de tigre » – un breuvage obtenu après macération des os – est quant à lui en nette progression. Les fragments de ce puissant prédateur restent employés dans la médecine dite « traditionnelle », notamment au Vietnam, selon le WWF, où ils sont « populaires au sein d’une sous-culture émergente ».
L’association constate par ailleurs une hausse considérable du trafic de tigres entiers, morts, mais aussi vivants. Depuis 2000, 263 tigres vivants ont ainsi été saisis, principalement en Thaïlande et au Vietnam, et 70 % l’ont été entre 2012 et 2015.
De plus de plus de tigres issus de captivité
Cet attrait pour les animaux vivants serait, estime le WWF, « directement lié à la croissance des fermes d’élevage de tigres ». Pour preuve, la part des tigres issus de captivité dans ce commerce est passée de 2 % en 2000-2003 à 30 % en 2012-2015. Au total, ce sont près de 300 tigres, sur les 1 750 saisis, qui en proviennent, pour la plupart de fermes laotiennes, thaïlandaises, vietnamiennes, ou encore chinoises. Dans ces pays, environ 200 fermes abritent entre 7 000 et 8 000 tigres captifs, soit environ le double de la population sauvage.
Au Vietnam par exemple, de telles fermes se sont multipliées dans des villages du centre du pays, où les tigres sont enfermés dans des cages « petites et insalubres, comme dans des élevages de porcs », selon le WWF.
En Thaïlande, le « temple du tigre » (Wat Pha Luang Bua), temple bouddhique et attraction touristique majeure, fit scandale en 2015 lorsque les autorités y découvrirent 70 bébés tigres congelés et conservés dans des récipients, ainsi que des milliers d’amulettes à base de peau de tigre. Depuis, 137 tigres vivants y ont été saisis.
Et les tigres captifs proviennent aussi, désormais, d’Afrique : ils seraient 280 dans 44 fermes d’Afrique du Sud. Ce même pays autorise de plus en plus l’exportation d’os de lions, difficiles à différencier de ceux du tigre pour le consommateur.
Lueurs d’espoir
Pour le WWF, ces fermes d’élevage, loin d’être une solution pour la sauvegarde de l’espèce, pourraient « fournir un plus grand accès aux morceaux et produits du tigre, perpétuant par conséquent la demande pour ces marchandises ». L’ONG appelle donc à leur fermeture, entre autres mesures : renforcement des contrôles, coordination transfrontalière, transparence, lutte contre le cybercommerce et contre la corruption…
La récente hausse de la population de tigres, passée de 3 200 en 2010 à 3 890 en 2016, vient démontrer que les efforts pour protéger cette espèce peuvent porter leurs fruits. Il s’agit de la première lueur d’espoir pour cette espèce depuis un siècle : ils étaient encore, dans les années 1900, autour de 100 000 individus.