Deux danseurs en démonstration sur la scène d’Ubisoft, à la Paris Games Week 2015. | SELL

C’est le plus grand Salon français consacré au jeu vidéo : la Paris Games Week doit présenter ce 19 octobre le programme de sa sixième édition, qui se déroulera du 27 au 31 octobre à Paris. Officiellement, en 2015, 307 000 visiteurs avaient arpenté les allées du parc d’exposition de la porte de Versailles pour y essayer les dernières nouveautés des éditeurs de jeux.

Mais, en réalité, les chiffres annoncés par les organisateurs sont très éloignés de ceux, certifiés et mis en ligne cet été, du site de référencement officiel « Foires et Salons », géré par le ministère de l’économie. Pour la troisième année d’affilée, le syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell) a ainsi gonflé ses chiffres de plus de 45 %, comme le confirment par ailleurs les chiffres de l’Organisme de justification des statistiques (OJS).

Evolution de l'écart entre les chiffres du SELL et les chiffres de fréquentation certifiés
En deux ans, le nombre de visiteurs non certifiés de la Paris Games Week est passé de 78 000 à 111 000.

Avec 111 000 visiteurs de différence entre les chiffres communiqués au grand public et les chiffres certifiés par les organismes de contrôle, le Salon du jeu vidéo est le mauvais élève du paysage français. Seuls deux autres événements « rivalisent » en termes d’écart : le Salon de la moto, avec 68 000 entrées non certifiées, et le Salon mondial du tourisme, avec 78 000 (mais après une fusion en 2014 avec Destination nature, ayant faussé la comparaison).

« Une définition globale de la fréquentation »

La filière de l’événementiel a l’habitude d’arrondir ses chiffres de fréquentation, et la pratique n’est pas forcément malhonnête, lorsqu’elle ne dépasse pas un certain pourcentage. En effet, s’ils ne payent pas leur place, exposants, agents de sûreté, journalistes et membres de l’organisation font partie de la fréquentation globale d’un Salon et peuvent justifier un léger écart.

C’est d’ailleurs l’argument avancé par le syndicat des éditeurs de logiciels de loisir (SELL), organisateur de l’événement, joint par Le Monde. « Il n’y a pas d’écart : ce sont deux chiffres différents. D’un côté, les entrées payantes sur les jours d’ouverture grand public ; de l’autre, une définition globale de la fréquentation sur la totalité du Salon (les visiteurs payants, les invités, les professionnels, les médias, les équipes du Salon et des exposants), y compris événements privatifs ou avant-premières. »

L’an dernier, le Salon avait exceptionnellement accueilli en avant-première une importante conférence de Sony. Mais, selon les chiffres de l’Office de justification des statistiques, qui prend aussi en compte les exposants, la fréquentation globale de la Paris Games Week n’atteignait même pas les 230 000 entrées, très loin des 307 000 annoncées, hors médias et soirées privatives. Et sans les exposants, invités, journalistes, on atteint à peine 196 000 visiteurs payant leur entrée.

Principaux salons français et leurs écarts de visiteurs entre chiffres officiels et certifiés
La Paris Games Week (111 234) est le seul événement présentant un écart supérieur aux 100 000 visiteurs non certifiés.
Source : Organisateurs / Foires et salons

Le spectre de la Gamescom allemande

Pourquoi la Paris Games Week gonfle-t-elle tant ses chiffres ? Sans doute parce que ses véritables concurrents sont à l’international, et notamment en Allemagne, où se tient chaque année en août la Gamescom, à qui le SELL tente de disputer la place de plus grand rendez-vous annuel à l’échelle européenne. Mais celui-ci n’est pas contraint par les règles de certification française, réputées plus sévères et défavorables aux Salons hexagonaux. Une source familière du dossier explique :

« Comparer la fréquentation du Salon de l’automobile à Paris à celle du Salon de l’automobile à Genève n’aurait aucun sens, car la certification française est bien plus stricte que les certifications suisse, allemande ou italienne : chaque visiteur unique n’est pris en compte qu’une fois par jour, et les exposants ne sont pas comptabilisés. »

Outre-Rhin, la fédération allemande des Salons et des foires (AUMA), n’est pas tenue de publier des chiffres certifiés, et affiche ainsi depuis trois ans pour la Gamescom des chiffres déclaratifs non contrôlés. C’est face à ce géant continental libre d’annoncer la fréquentation qui lui chante que se confronte le jeune Salon français.

« Nous communiquons le nombre d’entrées globales comme le font les autres Salons de jeu vidéo, confirme le SELL. Ce qui fait de la PGW 2015 le troisième Salon dans le monde à date avec les visiteurs payants, les invités, les professionnels, les médias, les équipes du Salon, les exposants et y compris les événements privatifs ou avant-première. »

Avec une fréquentation annoncée oscillant entre 335 000 et 346 000 visiteurs uniques chaque année, la Gamescom est unanimement considérée comme le plus grand rendez-vous européen du secteur. Mais en annonçant 307 000 visiteurs en 2015, le Sell situe la Paris Games Week à un niveau de plus en plus comparable.

Fréquentation : le SELL communique sur des chiffres de plus en plus proches de la Gamescom
Si l'on s'en tient aux chiffres non certifiés, la Paris Games Week attirait seulement 40 000 visiteurs de moins que la GamesCom, contre près de 100 000 en 2013.
Source : SELL/AUMA/BIU

Quelques Salons jouent la transparence

Les calculs sur mesure de la Paris Games Week – et les arrondis parfois très généreux d’autres Salons – ne sont cependant pas une règle absolue dans le monde des Salons français. A l’inverse du rendez-vous du SELL, certains événements jouent la transparence la plus totale en communiquant sur des chiffres précis, comme le Mondial de l’automobile en 2014. Les organisateurs avaient alors donné à l’unité près le chiffre de leurs entrées visiteurs, soit 1 253 513. La taille hors normes du Salon et son statut de référence historique lui permet, il est vrai, de ne pas avoir besoin de se grossir artificiellement.

Certains Salons plus petits font eux aussi preuve de précision, sans donner de chiffres à l’unité près. A l’image de Nautic, qui a évoqué « plus de 200 000 visiteurs » (ils étaient précisément 201 823), ou Piscine & Bien-être, qui a volontiers communiqué sur 27 000 entrées (pour 27 014 entrées certifiées).