Des sénateurs recommandent l’expérimentation du revenu de base
Des sénateurs recommandent l’expérimentation du revenu de base
Le Monde.fr avec AFP
Une mission d’information du Sénat préconise le versement, pendant trois ans, d’un revenu de 500 euros à un échantillon d’au moins 20 000 à 30 000 personnes âgées de 18 à 65 ans.
PHILIPPE HUGUEN / AFP
Une mission d’information du Sénat propose d’expérimenter rapidement « dans des territoires volontaires » différentes modalités d’une mise en place d’un revenu de base, concept qui divise et resurgit régulièrement dans le débat politique français.
Dans un rapport intitulé « Le revenu de base en France, de l’utopie à l’expérimentation » et rendu public mercredi 19 octobre, cette mission lancée à l’initiative du groupe socialiste et composée de 27 sénateurs de tous bords politiques s’est intéressée à cette « solution alternative à la logique actuelle des minima sociaux ». L’idée du revenu de base, parfois appelé revenu universel, est simple de prime abord : elle consiste à accorder de manière inconditionnelle à chaque membre de la société une dotation monétaire identique, et ce quel que soit son niveau de revenus.
Alors que la France consacre 690 milliards d’euros – soit un tiers de son PIB – à la protection sociale, le taux de pauvreté s’élève toujours à 14,1 %. « Des concitoyens » sont « laissés au bord du chemin » en raison du système actuel d’allocations, selon les sénateurs. « Ne confondons pas fusion des minima sociaux et revenu de base », a cependant déclaré mercredi au Sénat le président de cette mission d’information, le sénateur UDI Jean-Marie Vanlerenberghe, disant avoir voulu « clarifier l’idée » et « l’acclimater à la France ».
500 euros par mois pour les 18-65 ans
S’ils ne préconisent pas la mise en place immédiate d’un revenu de base, faute de « conditions réunies » et de « preuves de ses avantages », ces sénateurs jugent néanmoins « indispensable de mener dès aujourd’hui l’expérimentation » d’un concept qui « présente un caractère révolutionnaire ».
Ils se prononcent donc pour verser, pendant trois ans, 500 euros à des personnes âgées de 18 à 65 ans, pour un échantillon d’au moins « 20 000 à 30 000 personnes, ce qui représenterait un coût de l’ordre de 100 à 150 millions d’euros par an, pris en charge par l’Etat », a calculé la mission. Instaurée « dans des départements volontaires », cette expérimentation permettrait « de tester et de comparer les effets concrets de plusieurs modalités d’un revenu de base sur plusieurs segments de la société, en particulier les 18-25 ans et les 50-65 ans », jugés « plus fragiles ».
Cette aide, « au moins égale au RSA », « viendrait se substituer aux minima sociaux (RSA, ASS AHH…) perçus par les personnes faisant l’objet de l’expérimentation ». Pour qu’ils ne soient pas lésés, les bénéficiaires recevraient tout reliquat supérieur à 500 euros, précise le rapport.
Le rapport propose ainsi d’expérimenter trois pistes d’allocations sur ces territoires volontaires :
- Un versement sans condition, se rapprochant de « la forme la plus “pure” du revenu de base », où les bénéficiaires recevraient une allocation à somme fixe, indépendamment de leur pouvoir d’achat, qu’ils pourraient utiliser de façon totalement libre.
- Un versement « inconditionnel avec obligation d’utiliser l’allocation à des fins spécifiques » : chaque bénéficiaire se verrait verser un montant fixe qu’il devrait utiliser pour des achats alimentaires, des actions de formation ou des frais de mobilité. Le rapport souligne que « cette forme de revenu serait particulièrement pertinente à l’égard des jeunes, pour lesquels il semble préférable d’orienter l’utilisation de l’allocation envisagée à des actions en lien avec leur bonne insertion dans la société ».
- Un versement « conditionné au respect d’une obligation spécifique » : l’idée serait de ne verser le revenu qu’en contrepartie d’une obligation, « par exemple le suivi d’une action de formation ou des mesures de recherche d’emploi actives ». Le rapport propose d’y intégrer deux variantes, l’une dans laquelle le revenu serait versé mais susceptible d’être retiré en l’absence de respect des obligations et une autre dans laquelle le revenu ne serait versé qu’une fois les obligations remplies.
« Lancer une idée dans la tempête présidentielle »
« Ceux qui parlent du revenu de base nous proposent leur vision, leur utopie. Nous les avons beaucoup écoutés », a souligné Daniel Percheron, rapporteur de la mission d’information, disant « lancer une idée dans la tempête présidentielle ».
Saluant « le travail de fond » mené par le Sénat, le Mouvement français pour un revenu de base (MFRB), association qui milite en faveur de son instauration, a saisi l’occasion pour demander dans un communiqué à « chaque candidat aux prochaines élections présidentielle et législatives [de] se prononcer sur l’idée ».
A quelques mois de l’élection, différentes formes de revenu universel ont des partisans à droite comme à gauche, tant du côté de Nathalie Kosciusko-Morizet que de Benoît Hamon ou des candidats à la primaire écologiste.
En septembre, le premier ministre, Manuel Valls, avait appelé dans un billet sur Facebook à « ouvrir de nouvelles pistes » : « Le revenu universel, c’est-à-dire une allocation unique, ouverte à tous, à partir de 18 ans, pour remplacer la dizaine de minima sociaux existant, en est une. » Une idée qui se rapproche finalement plus d’une fusion de différentes allocations, comme préconisée par le rapport Sirugue en avril, qu’à l’instauration d’un revenu universel et inconditionnel. Le premier ministre ne s’est en tout cas prononcé sur aucun calendrier à ce jour.