La façade du Bataclan et de son café avant les attentats du 13-Novembre

Il a l’étoffe des héros, mais il a choisi de garder l’anonymat. Un peu par pudeur, mais surtout pour des raisons de sécurité, il ne montre jamais son visage à la télévision. Pourtant, toutes celles et ceux qui, le 13 novembre 2015, ont échappé à l’enfer du Bataclan, savent qui est Didi. 35 ans, la carrure athlétique, le sourire apaisant, ce Français d’origine algérienne était le chef de la sécurité de la salle ce soir-là.

Lors de ce vendredi tragique, il a fait évacuer des centaines de spectateurs par les issues de secours alors que les terroristes massacraient dans la fosse tous ceux qui étaient à portée de leurs kalachnikov. A deux reprises, avec son courage comme seule arme, il est retourné dans la salle pour ouvrir une seconde porte d’évacuation afin de faire sortir, au plus vite, une partie des mille cinq cents spectateurs qui assistaient au concert des Eagles of Death Metal. Repéré par les tireurs qui le mitraillaient, il a miraculeusement échappé à la mort.

« C’est bien après que j’ai réalisé que j’aurais pu mourir. Même les flics n’en sont pas revenus des risques que j’ai pris. Mais face à la tuerie qui se déroulait sous mes yeux, je ne me suis pas mis à raisonner. J’ai agi par instinct mais je n’ai rien d’un héros ».

Premier témoin à 21 h 40 de l’arrivée du commando de trois terroristes à l’entrée du Bataclan, sur le boulevard Voltaire, dans le 11arrondissement de Paris, Didi a immédiatement compris ce qui se passait lorsque l’un d’eux a commencé à vider son arme sur trois clients qui fumaient une cigarette à la terrasse du café attenant à la salle. « Je n’ai pas attendu que les tireurs se retrouvent face à moi et, en entrant dans la salle, j’ai immédiatement alerté tous ceux qui étaient dans le hall en leur hurlant de rentrer vite », raconte-t-il.

Didi, responsable de la sécurité du Bataclan : « Si je ne faisais rien, j’étais sûr de mourir »
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Une fois l’évacuation effectuée, Didi a été aidé par Marion, une étudiante, qui lui a ouvert les portes de la résidence étudiante où elle habite. Il a ainsi continué pendant plus de deux heures à faire des allers et retours dans la rue pour mettre de nombreux blessés à l’abri. Ce n’est qu’au petit matin, après avoir été « débriefé » par les policiers de la Brigade criminelle au quai des Orfèvres, qu’il a pu rentrer chez lui où sa femme, prévenue tardivement qu’il était en vie, l’attendait. Ce matin-là, elle lui a appris qu’elle était enceinte. Une nouvelle qu’elle souhaitait lui annoncer durant le week-end pour lui faire une surprise. « Ça m’a fait un choc d’apprendre que j’aurais pu mourir sans savoir que j’allais être père », confie-t-il.

Naturalisé français

Ce récit, Didi l’a raconté des dizaines de fois durant l’année à tous les médias de la planète venus à Paris pour l’interviewer. Tout comme son arrivée en France à l’âge de 6 mois en provenance d’Algérie. Bien qu’installé ici depuis toutes ces années, il n’avait jamais demandé la nationalité française. « Je me suis toujours senti français même sans carte d’identité », dit-il. Après le courage dont il a fait preuve au Bataclan, ils ont été nombreux sur les réseaux sociaux à demander sa naturalisation. La bataille n’a pas été longue. Le 16 juin, il est devenu officiellement citoyen de la République. Le décret, publié au mois de mars, lui a été remis par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve lors d’une cérémonie officielle place Beauvau où avaient été conviés sa famille, des rescapés, le patron du Bataclan, Jérôme Langlet, et des officiels. Dans son discours, M. Cazeneuve a rappelé comment Didi s’était « comporté en héros, dans des circonstances exceptionnellement dramatiques ». Il lui a aussi remis la médaille de la sécurité intérieure, échelon or, la plus haute distinction décernée par le ministère. « Même si je n’ai jamais rien demandé, cela m’a fait très plaisir », reconnaît Didi.

Samedi 12 novembre, soir de la réouverture du Bataclan avec le chanteur Sting, il devrait observer la nouvelle équipe de sécurité à l’œuvre dans la salle refaite à neuf. Ce premier concert sera également placé sous haute surveillance policière. Dans le théâtre reconstruit à l’identique avec ses fresques du siècle dernier et son bar donnant sur la fosse, de nouveaux systèmes de sécurité ont été installés, notamment pour l’ouverture et la fermeture des portes ainsi qu’une surveillance sophistiquée par caméras vidéo. « Je tenais à être présent pour la réouverture », insiste Didi. « Même si ce n’est pas facile de revenir faire la fête au Bataclan, il est essentiel que tous les lieux attaqués par le terrorisme retrouvent leurs activités sinon les terroristes auront gagné », assure-t-il.

Mais, après ce concert, Didi va prendre le temps de réfléchir. Il ne sait pas s’il continuera ce métier. « Je vais poser mes valises quelque temps, profiter de ma fille, car cette année, je ne l’ai pas vue passer », dit-il dans un sourire un peu las.