Obama et les dirigeants européens tentent de peser face à Trump
Obama et les dirigeants européens tentent de peser face à Trump
Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant), Philippe Bernard (Londres, correspondant)
A Berlin, les responsables se sont voulus fermes sur l’OTAN et la Russie. Mais tous affrontent des conjonctures intérieures qui limitent leur influence.
Barack Obama avec Angela Merkel à Berlin, le 18 novembre 2016. | BRENDAN SMIALOWSKI / AFP
Ce devait être un adieu ; ce fut aussi une mise en garde. Pour Barack Obama, Angela Merkel, François Hollande, Theresa May, Matteo Renzi et Mariano Rajoy, le sommet organisé à Berlin, vendredi 18 novembre, n’a pas été qu’une simple prise de congé. Ultime étape de la dernière visite du président américain en Europe avant son départ de la Maison Blanche, la rencontre, qui a duré deux heures, a également donné l’occasion aux participants de rappeler à Donald Trump, dix jours après son élection, les principes et les engagements qui fondent, à leurs yeux, la relation transatlantique.
Sans citer directement le président élu des Etats-Unis, qui prendra ses fonctions le 20 janvier 2017, les six dirigeants ont passé en revue les sujets sur lesquels ils craignent un changement de cap des Etats-Unis. L’OTAN, d’abord. Pendant sa campagne, M. Trump avait qualifié l’Alliance atlantique d’« obsolète et coûteuse ». Vendredi, M. Obama et ses homologues européens ont, au contraire, « réaffirmé l’importance de la poursuite de la coopération multilatérale, y compris dans le cadre de l’OTAN », a indiqué la Maison Blanche.
La Russie, ensuite. Face au rapprochement qui se profile entre M. Trump et Vladimir Poutine, les six dirigeants ont insisté sur « la nécessité de continuer à mettre la pression » sur Moscou. Au sujet de l’Ukraine d’une part, en rappelant que les sanctions contre la Russie doivent rester en vigueur jusqu’à la mise en œuvre des accords de Minsk, signés en 2014 et destinés à mettre un terme au conflit dans l’est du pays ; sur la Syrie d’autre part, en appelant de nouveau à « l’arrêt immédiat » des attaques du régime de Bachar Al-Assad et de ses alliés russe et iranien contre Alep.
M. Trump sera-t-il sensible à ces messages ? Il est permis d’en douter. Quelle portée, en effet, peut avoir un sommet réunissant un président américain sur le départ, un président français affaibli au point de n’être même pas assuré de pouvoir se porter candidat à sa réélection, un président du conseil italien engagé dans une campagne référendaire à l’issue incertaine, un chef du gouvernement espagnol à la tête d’un gouvernement minoritaire après des mois de crise politique, une chancelière allemande dont le troisième mandat arrive bientôt à son terme – toujours critiquée pour sa politique à l’égard des réfugiés – et une première ministre britannique chargée de faire sortir son pays de l’Union européenne ?
« Intense lobbying »
Marginalisée par la prééminence du duo Obama-Merkel, Theresa May a peiné à convaincre que le Royaume-Uni post-Brexit allait rester engagé auprès des Européens « sur l’EI [organisation Etat islamique], la Syrie, la Russie et les migrations », d’autant que les médias britanniques et Downing Street ont tendance à devenir monomaniaques du Brexit. Les déclarations du ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, vendredi dans le Financial Times, selon lesquelles Londres devrait choisir entre « la totalité du menu » de l’UE « ou rien », ont été perçues comme le signe que Berlin – « à la suite de l’intense lobbying de François Hollande » selon le journal – avait adopté une position dure sur le Brexit.
Traditionnellement antiallemands, les tabloïds s’en donnent à cœur joie. Sous une photo de Mme Merkel affichant une moue appuyée à l’égard de Mme May, le Daily Mail a décrit la première ministre britannique « entrant dans la fosse aux lions » à Berlin et lui reproche de « tendre l’autre joue » face à la chancelière. Seul responsable politique britannique à commenter le sommet de Berlin, Nigel Farage (extrême droite) a qualifié les dirigeants européens de « pauvres chéris dans le déni » des bouleversements de 2016.
Merkel, « la plus solide »
Attaché à célébrer l’unité de l’Europe, M. Obama n’a pu, en réalité, que constater sa fragilité. « Obama est venu à Berlin car Merkel est, à ses yeux, celle qui est la plus solide pour défendre la communauté de valeurs sur lesquelles est fondée la relation transatlantique », explique Alexandra de Hoop Scheffer, directrice du bureau parisien du German Marshall Fund of the United States (GMF), un centre de recherche américain dont l’objectif est de renforcer la coopération entre l’Europe et les Etats-Unis. « Mais ce que sa visite a rappelé, précise-t-elle, c’est que cette communauté de valeurs est aujourd’hui à bout de souffle. »