Les grandes villes veulent bousculer les Etats dans la lutte contre le réchauffement climatique
Les grandes villes veulent bousculer les Etats dans la lutte contre le réchauffement climatique
Par Frédéric Saliba (Mexico, correspondance), Laetitia Van Eeckhout
Les 86 plus grandes métropoles de la planète, réunies à Mexico sous la présidence de la maire de Paris Anne Hidalgo, veulent limiter la hausse des températures à 1,5 °C.
La quartier d’Ecatepec, à Mexico, en août 2016. | MARIO VAZQUEZ / AFP
Alors que les engagements des Etats ne sont pas suffisants, dans l’immédiat, pour maintenir le réchauffement sous les 2 °C comme le prévoit l’accord de Paris, les grandes métropoles de la planète entendent montrer la voie avec un objectif plus contraignant encore. Réunis à Mexico du 30 novembre au 2 décembre, les édiles du C40, organisation qui regroupe 86 des plus grandes villes du monde, ont pris l’engagement de doter d’ici à 2020 leur ville d’un plan action climat qui permette de contenir les augmentations de températures en deçà de 1,5 °C.
« Aujourd’hui, nous n’avons plus le temps d’attendre, de spéculer ou de prospecter », a déclaré, jeudi 1er décembre lors de son discours d’investiture, Anne Hidalgo, qui s’est vu remettre des mains de son homologue à Rio, Eduardo Paes, la présidence de cette organisation. Et la maire de Paris d’insister : « Comme le dit Leonardo Di Caprio, nous sommes juste avant un déluge qui risque de tout emporter sur son passage. Dans cette perspective, il ne nous reste plus qu’une chose à faire : agir. » Et de fustiger le « scepticisme » dont font preuve selon elle certains chefs d’Etat sur la question.
« Un tiers des émissions mondiales dépendent de l’action des villes », rappelle un rapport rendu public jeudi, « Deadline 2020 ». Ce document détaille l’ensemble des actions que les membres du C40 – qui représentent 650 millions d’habitants et 25 % du PIB mondial – doivent mettre en œuvre, ces quatre prochaines années, pour s’inscrire dans cette trajectoire. Les grandes villes doivent rapidement réduire de moitié leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), selon ce texte. Rester sous 1,5 °C suppose en effet qu’elles fassent tomber les émissions par habitant et par an de 5 tonnes équivalent CO2 aujourd’hui à 2,9 en 2030 puis 0,9 en 2050.
Eradiquer le diesel
Réduire le trafic et décarboner les transports constituent l’un des principaux leviers d’action pour réduire les émissions de GES tout en améliorant la qualité de l’air. Vendredi 2 décembre, Mexico, Athènes et Madrid se sont engagés, dans les pas de Paris, à éradiquer d’ici à 2025 les véhicules diesel et investir dans des modes de transports plus propres. D’autres métropoles devraient rapidement leur emboîter le pas.
A Mexico, mégapole de 22 millions d’habitants située dans une vallée entourée de montagnes et de volcan, le défi est de taille. Avec 5,5 millions de véhicules en circulation au quotidien, l’agglomération, qui se retrouve fréquemment sous un épais smog de particules, émet aussi annuellement plus de 50 millions de tonnes de dioxyde de carbone, principal GES responsable de l’emballement des températures.
La ville n’est pas restée inactive ces dernières années, instituant certains jours de la semaine des restrictions de circulation pour les véhicules les plus anciens et polluants, développant pistes cyclables et vélos en libre-service, recourant à la gratuité des transports en commun en cas d’alerte-pollution. Mais son maire Miguel Angel Mancera entend mettre les bouchées doubles. Le 28 novembre, il a annoncé que Mexico n’attribuerait dorénavant plus de concessions aux minibus et taxis fonctionnant au diesel ou à l’essence, et miserait désormais sur une flotte de bus et taxis hybrides ou électriques.
Du temps pour les cités les plus fragiles
C’est aussi dans les domaines de l’énergie, des déchets, des infrastructures et de l’urbanisme que les villes peuvent agir, avec la production locale d’énergies renouvelables, des circuits d’économie circulaire pour la collecte et le recyclage des déchets, des programmes de rénovation et de construction de bâtiments « bas carbone »…
Le rapport propose des trajectoires d’action différentes selon la situation des cités : les plus polluées et les plus riches (New York, Melbourne…) doivent agir drastiquement et tout de suite. Les plus fragiles (Quito, Le Cap, Durban…) devraient disposer d’un peu plus de temps.
Dans les quatre ans à venir, la mise en œuvre de ces mesures par les villes du C40 requiert un investissement de 375 milliards de dollars (353 milliards d’euros), estime le rapport « Deadline 2020 ». « Les moyens financiers existent, mais aujourd’hui ils ne contribuent pas ou pas assez à la transition écologique et énergétique. Nous avons besoin des citoyens, du secteur privé, nous devons entraîner les leaders de la finance mondiale à nous suivre », a insisté Anne Hidalgo qui espère reproduire, à l’échelle du C40, le succès de l’appel à projets « Réinventer Paris ».
Cette initiative devrait permettre aux métropoles d’entraîner dans leur sillage des investisseurs privés en tout genre. « Cet investissement crée des emplois, soutient la croissance d’industries naissantes, améliore la qualité de vie et la santé des citoyens, tout en protégeant le climat mondial », insiste la maire de Paris.