Au Brésil, le cannabis, carburant à start-up
Au Brésil, le cannabis, carburant à start-up
LE MONDE ECONOMIE
Après avoir découvert les vertus médicales du cannabis sur sa mère atteinte d’un cancer, Caio Abreu a créé fin novembre son entreprise de biotechnologie afin de développer des traitements à base de marijuana.
Une marche en faveur de la légalisation du cannabis a eu lieu en mai, à Sao Paulo. | NELSON ALMEIDA / AFP
Comme presque tous les Brésiliens, Caio Santos Abreu a fumé quelques pétards à la fac. Des joints de maconha, comme on appelle couramment le cannabis dans son pays. Aujourd’hui âgé de 38 ans, l’homme d’affaires, costume sombre, allure sérieuse, a fait du psychotrope le cœur de son business et compte bien devenir millionnaire.
Ni dealer ni parrain, Caio Abreu aurait davantage le profil d’un médecin, ce qu’il n’est pas (il a fait des études de droit), ou d’un entrepreneur futé, ce qu’il semble être. Depuis 2015, le 11e étage d’une tour du quartier d’affaires Itaim Bibi à Sao Paulo accueille sa start-up : Entourage Phytolab, une société de biotechnologie. L’entreprise compte développer des médicaments qui utilisent les propriétés de la marijuana.
Ce mercredi 23 novembre, jour où Caio Abreu nous accueille, est un moment particulier. Entourage Phytolab vient de recevoir sa première livraison : 10 kg de cannabis venu du Canada. « Le meilleur », affirme-t-il, produit par une société néerlandaise, Bedrocan. Après une seconde fournée de fleurs de cannabis, l’entreprise se mettra au développement de son premier médicament, qui vise à soulager les patients souffrant d’épilepsie réfractaire, celle qui résiste aux traitements traditionnels. La sortie est prévue pour la fin de 2018. A plus long terme, Caio Abreu espère pouvoir développer un traitement à base de cannabis, à même de diminuer les effets secondaires de la chimiothérapie. Un remède en mémoire de sa mère.
Chimiothérapie difficilement supportable
Car c’est d’elle, et du cancer, que vient la reconversion de celui qui a été un avocat réputé. La maladie de la mère de Caio Abreu s’est déclarée en 2005. Proche d’elle, le Pauliste l’a immédiatement fait venir de Rio de Janeiro pour suivre son traitement dans les meilleurs hôpitaux de Sao Paulo. Mais sa mère supporte très mal la chimiothérapie. Les nausées sont telles qu’elle ne parvient plus à s’alimenter. « Elle a perdu jusqu’à 18 kg, alors qu’elle en pesait 50. C’était effrayant », raconte-t-il. Rongé d’inquiétude, il lit, épluche tout ce qui existe sur les traitements. « Comme souvent dans ces cas-là, l’entourage du malade devient presque aussi expert que les médecins », explique-t-il. Il découvre l’usage médical du cannabis. Ses vertus apaisantes et la fringale qu’il suscite. Sans en parler aux médecins, il roule des joints pour sa mère malade, qui reprend du poids.
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La maladie aura toutefois raison d’elle en 2009. Caio Abreu ne trouve, alors, plus grand sens à son métier d’avocat. En 2014, il décide de tout lâcher lors d’un séminaire sur les propriétés médicinales du cannabis. « J’ai pleuré pendant trois jours. » La légalisation du cannabis survient dans plusieurs Etats américains. Il sent la tendance, lève des fonds, investit une partie de ses économies et commence à prospecter en Uruguay (premier pays au monde à avoir régulé la chaîne de production de la marijuana, en 2014, sous la présidence de José Mujica), mais décide finalement de s’installer au Brésil. « Mon pays. » Caio Abreu ne doute pas de pouvoir gagner beaucoup d’argent, mais pense aussi aux patients en souffrance. « Il y a urgence. »