Coup de froid sur l’assurance-vie en euros
Coup de froid sur l’assurance-vie en euros
Par Johan Deschamps
Collecte nette des fonds non risqués entre janvier et octobre 2016 : 4,2 milliards d’euros. Soit deux fois moins qu’en 2015.
Rendements en baisse et nouvelles règles ont rafraîchi l’ambiance au pays des fonds en euros. | Joe Giddens / PA
Les Français bouderaient-ils leur placement préféré ? La collecte nette de l’assurance-vie a été nulle en septembre et même négative de 100 millions d’euros en octobre, selon la Fédération française de l’assurance. Ce n’est certes pas la première fois – rappelons qu’en décembre 2013, une décollecte nette de 1,6 milliard d’euros avait été enregistrée. Mais ce désintérêt pourrait cette fois ne pas relever d’un épiphénomène, mais d’un mouvement de défiance plus profond.
L’assurance-vie représentait la lin d’fin octobre 1 621 milliards d’euros, dont 80 % sur les fonds en euros (fonds non risqués, sans perte de capital investi possible). Seulement, ces derniers sont de moins en moins rentables. Si le rendement moyen net de frais était de 2,3 % en 2015, il devrait passer sous la barre de 2 % pour 2016. Et cette tendance doit se poursuivre dans les années à venir.
Ce n’est pas tout. La loi Sapin 2 introduit des évolutions réglementaires contraignantes. Dans certaines situations critiques, par exemple une hausse brutale des taux, elle prévoit en effet la possibilité de limiter les retraits des clients (pendant six mois au maximum) et d’interdire de réaliser des arbitrages ou de procéder à des avances sur les contrats (pendant trois mois, renouvelables). « La loi Sapin a révélé un problème et est en partie à l’origine de l’arrêt de la collecte de l’assurance-vie en septembre », juge Olivier Grenon-Andrieu, président du cabinet de gestion privée à l’étranger Equance.
« La fin d’un cycle »
Et puis il y a les assureurs, qui militent, de leur côté, pour que les particuliers dirigent leur épargne vers les unités de comptes (fonds investis sur les marchés financiers, avec capital non garanti), plus rentables pour eux et potentiellement aussi pour les souscripteurs. Pour les inciter, certains conditionnent l’investissement dans les fonds en euros à la souscription d’unités de comptes, d’autres limitent la garantie accordée aux fonds en euros au montant des souscriptions brut des frais de gestion ; ce qui revient à baisser chaque année le niveau de la garantie.
Ces pratiques portent progressivement leurs fruits : entre janvier et octobre, la collecte nette sur les unités de compte a atteint 11,5 milliards d’euros. C’est 400 millions de plus qu’à la même période en 2015, alors que dans le même temps, les sommes versées sur les fonds en euros sont passées de 8,8 milliards à 4,2 milliards.
« Je pense que l’on arrive à la fin d’un cycle sur l’assurance-vie et que les investisseurs vont regarder ailleurs », estime Olivier Grenon-Andrieu. On le constate déjà. Voyez plutôt les niveaux de collecte records enregistrés sur la pierre-papier à travers les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ou les organismes de placement collectif en immobilier ouverts à des investisseurs non professionnels (OPCI). Ou encore sur l’assurance-vie luxembourgeoise.