Entrée à l’université : le gouvernement va graver dans le marbre le tirage au sort
Entrée à l’université : le gouvernement va graver dans le marbre le tirage au sort
Par Camille Stromboni
Un projet d’arrêté vise à mettre fin aux recours en justice d’étudiants recalés à l’entrée de la licence.
Des étudiants de licence en amphi à l’université Paris II - Panthéon-Assas. | FLICKR CAMILLE STROMBONI
Le tirage au sort, utilisé en dernier recours pour départager les candidats à l’entrée de certaines licences universitaires sous tension, va être légalisé. Ce système était jusqu’ici pratiqué lors de la procédure Admission post-bac (APB) sans néanmoins disposer de bases juridiques assez robustes, d’où le succès devant les tribunaux d’un certain nombre de bacheliers recalés dans la formation qu’ils demandaient.
Un projet d’arrêté du ministère, qui précise l’ensemble des critères appliqués lors de la répartition des candidats en licence effectuée par l’algorithme d’APB, sera examiné par les élus de la communauté universitaire lors du conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le 17 janvier.
D’après ce texte, la priorité sera toujours donnée aux candidats de l’académie d’obtention du baccalauréat et de résidence, puis, en fonction de l’ordre des vœux qu’il a effectués, et enfin en tenant compte de sa situation de famille – ce qui est nouveau. Si l’application de ces trois critères ne suffit pas à les départager, et que le nombre de places offertes dans la licence en question est toujours trop faible pour les y accueillir tous, « il est recouru à un tirage au sort », prévoit le projet d’arrêté.
Le ministère tente ainsi de sécuriser une situation juridique bancale. L’article L612-3 du Code de l’éducation prévoit que lorsque l’effectif des candidatures excède les capacités d’accueil d’un établissement, les inscriptions sont prononcées selon la « réglementation établie par le ministre chargé de l’enseignement supérieur ». Mais d’après plusieurs décisions de tribunaux administratifs intervenues à l’été 2016, les règles appliquées actuellement – qui figurent notamment dans le guide du candidat ou dans des courriers du ministère aux rectorats – ne constituent pas une véritable réglementation.
La sélection, un « sujet tabou »
Face au boom démographique qui arrive aux portes de l’université, avec 30 000 à 40 000 étudiants de plus chaque année, certaines filières sont prises d’assaut par les bacheliers, sans avoir les places nécessaires pour répondre à la demande. Ces licences ont progressivement mis en place des capacités d’accueil limitées. Et pour certaines, comme les Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) ou la psychologie, des tirages au sort ont laissé sur le carreau des candidats de l’académie qui avaient pourtant placé ces licences en tête de leurs vœux – 3 500 à la rentrée 2016, d’après les chiffres du ministère.
Cette clarification juridique n’empêche pas le tirage au sort d’être unanimement dénoncé, jusqu’au gouvernement à l’initiative de ce texte. « C’est le plus bête des systèmes, reconnaît Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur. L’objectif est qu’il soit le moins utilisé possible. Nous sommes descendus à 76 filières qui ont dû y avoir recours cette année, soit une baisse de 60 %. » Le secrétaire d’Etat est cependant opposé à la mise en place d’une autre forme de sélection à l’entrée de la licence, contrairement à ce qui a été fait en master, où une loi promulguée en décembre dernier vient d’instaurer le droit de sélectionner.
« Le couplage d’un effort budgétaire de l’Etat, permettant aux universités d’augmenter leurs capacités d’accueil, et de la poursuite du travail permettant une meilleure orientation des bacheliers, fera disparaître le tirage au sort », défend-il.
Une position que ne partagent pas les présidents d’universités, qui militent pour la mise en place de prérequis à l’entrée des licences. « Avec cet arrêté, on rend peut-être la situation plus transparente mais on conserve surtout une très mauvaise solution, déplore Gilles Roussel, à la tête de la conférence des présidents d’université. L’ensemble du système APB est pensé seulement pour que le maximum de jeunes aient une place là où ils le souhaitent, alors qu’une priorité devrait être accordée à ceux qui ont le plus de chances de réussir. » « Mais aujourd’hui, l’idée même d’ouvrir une réflexion sur le sujet est taboue », regrette-t-il.
Les deux premières organisations étudiantes – l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) et la Fédération des associations générales éutidiantes (FAGE) – sont opposées à toute sélection à l’entrée de l’université. « C’est une fausse solution qui ne réglera pas le problème de l’échec, mais surtout va nuire à la démocratisation », alerte le président de la FAGE, Jimmy Losfeld.