La primaire, machine à perdre
La primaire, machine à perdre
Editorial. La faible mobilisation au premier tour de la primaire à gauche et la fracture du PS en deux camps irréconciliables font planer la menace d’un échec à la présidentielle.
A Tulle, Corrèze, le 22 janvier. | EUGENIE BACCOT/DIVERGENCE POUR LE MONDE
Editorial du « Monde ». Les primaires peuvent être des machines à gagner. Elles peuvent, tout autant, se transformer en machines à perdre. Les socialistes risquent fort d’en faire, cette année, l’amère expérience.
En 2011, le désir de battre Nicolas Sarkozy avait été assez puissant pour mobiliser les électeurs, surmonter les divisions et offrir à François Hollande une solide rampe de lancement pour sa campagne présidentielle victorieuse. De même, en novembre 2016, la volonté de reconquérir le pouvoir a permis à la droite de solder, au profit de François Fillon, la guerre des chefs qui la minait depuis cinq ans.
Le premier tour de la primaire socialiste (et apparentés), dimanche 22 janvier, est en passe de produire l’effet exactement inverse : une faible mobilisation, un PS fracturé en deux camps irréconciliables, un candidat mal élu et, au bout du compte, la menace d’un échec retentissant lors du scrutin présidentiel.
Le moins que l’on puisse dire, en effet, est que les électeurs ne se sont pas précipités pour aller voter dimanche. Au premier tour de la primaire de 2011, ils avaient été 2,6 millions. Le 22 novembre 2016, 4,3 millions avaient participé au premier tour de la primaire de la droite. Le 22 janvier, ils semblent avoir été de l’ordre de 1,5 million.
« Quand c’est flou… »
Le fait même que la direction du PS n’ait pas été en mesure de publier un résultat à peu près définitif dans les heures qui ont suivi le scrutin ajoute encore à la confusion. L’on verra s’il s’agit là d’une sérieuse défaillance dans l’organisation ou d’un insurmontable embarras à annoncer une participation très en deçà des objectifs espérés. Comme on dit volontiers au PS, reprenant la phrase fameuse de Martine Aubry en 2011, « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup »…
Cette mobilisation, près de deux fois inférieure à celle de 2011 et trois fois plus faible que celle de la droite il y a trois mois, traduit, sans conteste, les désillusions, les frustrations, les colères même qui prévalent à gauche au terme du mandat de François Hollande.
C’est le deuxième enseignement de ce scrutin : il a sanctionné durement un quinquennat pour le moins décevant. En plaçant Benoît Hamon en tête du premier tour, avec quelque 36 % des voix, et en accordant 17,5 % des suffrages à Arnaud Montebourg, les électeurs ont donné une claire majorité aux « frondeurs » qui ont contesté de plus en plus vigoureusement l’action du président de la République et du gouvernement depuis trois ans.
Sauver l’honneur
La seconde place de Manuel Valls confirme cette sanction. Premier ministre jusqu’en décembre 2016, assumant bon gré mal gré – mais comment pouvait-il faire autrement sans se discréditer ? – l’action menée sous sa responsabilité, il en paye aujourd’hui la facture. Les termes de sa déclaration, dans la soirée du 22 janvier, laissent mal augurer de la suite.
En assurant que le choix est désormais entre « une défaite assurée et une victoire possible », « entre des promesses irréalisables et infinançables et une gauche crédible », il a creusé un peu plus le fossé entre deux camps socialistes qu’il jugeait, il y a peu, « irréconciliables ». Quel que soit le vainqueur de cet affrontement, on voit mal comment les socialistes pourraient se rassembler de façon crédible au lendemain du 29 janvier.
Tout se passe, en réalité, comme s’ils avaient dès à présent tiré un trait sur l’élection présidentielle. Leur ambition ne semble plus être de désigner un candidat susceptible d’empêcher le duel annoncé entre la droite et l’extrême droite, mais bien plutôt de sauver l’honneur, les credo traditionnels et les « valeurs » de la gauche, après ce que bon nombre d’entre eux considèrent comme les reniements du mandat de François Hollande et du gouvernement de Manuel Valls.
Le 22 janvier au matin, dans Le Parisien, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, assurait « qu’on sonne le glas du PS trop tôt ». Il n’empêche, c’est bien le glas qui s’annonce. Et il ne manque pas de candidats pour le sonner : Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, François Fillon ou Marine Le Pen, au choix.