L’Ariam, cible de la politique culturelle de Valérie Pécresse
L’Ariam, cible de la politique culturelle de Valérie Pécresse
Par Clarisse Fabre
L’association, qui fait rayonner la formation musicale dans les Conservatoires et les MJC d’Ile-de-France, est condamnée à disparaître.
« J’appelle Madame Agnès Evren pour le budget culture. » La vice-présidente de la région Ile-de-France chargée de la culture prend place devant le micro. Il est bientôt midi, mercredi 25 janvier, et l’on peut suivre en direct, sur l’écran de l’ordinateur, le vote du budget culture de la région. Ambiance tendue : où va la politique culturelle, dans la région présidée par Valérie Pécresse (Les Républicains) depuis décembre 2015 ? Certes, l’élue de droite a l’ambition d’augmenter le budget de la culture « de 20 % sur la mandature », d’élargir l’offre culturelle dans la grande couronne, et de développer l’éducation artistique dans les lycées. Mais, dans l’hémicycle, les élus Corinne Rufet (EELV), Clémentine Autain (Front de gauche), Benoît Marquaille (PS) et Jean-Luc Romero (du groupe Radical, citoyen, démocrate, écologiste) dénoncent un double langage : non seulement le budget de la culture, annoncé « en hausse cumulée de 12% » depuis fin 2015, serait « en réalité en baisse » ; de plus, la région s’apprête à condamner un nouvel établissement culturel en diminuant drastiquement sa dotation.
Après le festival d’Ile-de-France, créé en 1977 (Le Monde du 14 décembre 2016), c’est en effet au tour de l’Ariam, l’Association régionale d’information et d’actions musicales, d’être en voie de dissolution. Depuis 1975, l’Ariam fait rayonner la formation musicale dans les Conservatoires et les MJC d’Île-de-France, en organisant des formations pour les enseignants artistes, du prêt d’instruments, du conseil artistique, et des rencontres avec les acteurs culturels, en vue de partager les expériences qui réussissent. Un travail de fourmi, en somme : « C’est l’humble, la discrète et l’indispensable Ariam », résumait merdredi matin, avant le vote, l’écologiste Corinne Rufet. Ces dernières années, l’association était financée à 50% par la région, 20% par l’Etat, 5% par le département, auxquels s’ajoutent 25% de ressources propres (cycles de formation, etc.). En 2017, l’enveloppe de la région a diminué, et consigne a été donnée à l’équipe de ne pas préparer la prochaine édition.
« Faux arguments »
L’annonce a été brutale, raconte Denis Cuniot, directeur adjoint de l’Ariam, pianiste et ancien directeur de Conservatoire : « Le 5 janvier, Agnès Evren nous a annoncé notre future disparition. L’enveloppe qui est créditée cette année servira à payer les départs de l’équipe. Même l’Etat, un partenaire historique avec sa direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France, n’a pas été prévenu », soupire Denis Cuniot. Sur leur blog, des salariés de l’Ariam répondent point par point aux « faux arguments » de la région...
Pour un Conservatoire qui travaille quasi-quotidiennement avec l’Ariam, la nouvelle a été un choc. Marie Delbecq, qui dirige depuis vingt-trois ans le Conservatoire de Bondy, en Seine-Saint-Denis, avec ses quatre-cents professeurs, ne comprend pas : « Les bras nous en sont tombés », dit-elle. « En plus de ses missions, l’Ariam est un formidable outil pour ouvrir les Conservatoires à des esthétiques nouvelles, et toucher des publics qui n’ont pas de culture musicale », explique-t-elle au téléphone . « Par exemple, l’Ariam propose des formations sur le thème : comment ouvrir un département de musiques actuelles ? Elle nous met en contact avec des acteurs dans les quartiers, a beaucoup oeuvré pour expérimenter des pratiques alternatives d’apprentissage du solfège. Que va-t-il se passer demain, est-ce que tout ce travail collectif va être tronçonné, chacun retournant dans son coin ? », s’inquiète Marie Delbecq.
Surtout, la directrice du Conservatoire de Bondy s’interroge sur les réelles motivations de la région : « S’il s’agissait d’une simple logique financière, Valérie Pécresse aurait pu remettre à plat les financements, sans rayer de la carte l’Ariam. La région a donc peut-être une autre idée en tête. S’agit-il de modifier la politique sur le fond, de remettre en cause certaines pratiques pédagogiques, progressisistes, qui s’adressent à un public non initié, et dont certains ne veulent pas entendre parler ? » Sur certains blogs, on peut lire des critiques sur la dérive « gauchiste » de l’Ariam...
Dans une lettre adressée le 20 janvier à Valérie Pécresse, l’Association « Conservatoires de France », qui rassemble plus de deux-cents établissements artistiques sur le territoire, exprime sa « sidération », demande « instamment » à la présidente de la région de revenir sur sa décision, et de s’assurer « que les emplois de ses personnels soient garantis » – soit vingt personnes représentant dix-sept équivalent temps plein. L’Ariam a engrangé de multiples soutiens, celui de la scène jazz, de « Futurs Composés », réseau national de la création musicale, de France Festivals, de la fédération d’usagers la « Fuse », etc.
La vice-présidente chargée de la culture « assume » : tout comme le festival d’Ile-de-France, l’Ariam a des frais de fonctionnement trop élevés (frais de fonctionnement du lieu, salaires...), indique Agnès Evren. « Valérie Pécresse avait promis durant sa campagne de diminuer les dépenses de fonctionnement des structures, et de reprendre en direct certaines de leurs activités. C’est le cas de l’Ariam. Nous pourrions reprendre le parc intrumental, ajoute-t-elle. On va voir aussi si on peut garder en interne des salariés. »