Migrants : le gouvernement refuse tout dispositif humanitaire à Calais
Migrants : le gouvernement refuse tout dispositif humanitaire à Calais
Par Maryline Baumard
En dépit des promesses de Bernard Cazeneuve au lendemain de l’évacuation de la « jungle », les migrants de Calais ne bénéficieront d’aucune solution sur place.
Le 18 janvier, à l’entrée de l’ancien camp de Calais. | DENIS CHARLET / AFP
Entre déception et colère… En quittant le ministère du logement, lundi 30 janvier à midi, les associations calaisiennes se sont estimées une nouvelle fois trahies par le gouvernement. La ministre du logement, Emmanuelle Cosse, et le ministre de l’intérieur, Bruno Le Roux, les avaient conviées à une réunion baptisée « Situation dans le Calaisis, centres d’accueil et d’orientation (CAO), examen des dispositifs “nécessaires et spécifiques” dans les Hauts-de-France ».
En dépit du nombre d’invités, la grand-messe a été rapide. Juste le temps que la ministre du logement, qui menait la rencontre, trouve le temps d’expliquer qu’il n’y aurait pas de dispositif spécifique pour Calais et d’annoncer les quelques palliatifs proposés.
Selon un participant à cette rencontre, l’ambiance était à la « sidération ». Le rapport sur l’accueil nécessaire à Calais des migrants après le démantèlement de la « jungle », à la fin d’octobre 2016, qui avait été commandé par le ministre de l’intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve, à Jérôme Vignon, président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, et au préfet Jean Aribaud n’a pas été remis aux invités. Il leur a été répondu qu’ils « l’auraient plus tard »… Les associations y voient, a posteriori, une manœuvre dilatoire qui visait à les amadouer à la veille de l’éviction des migrants du bidonville.
Le 7 novembre 2016, M. Cazeneuve avait pourtant promis, devant deux cents personnes réunies à Calais, « la mise en place d’un dispositif humanitaire qui demeurera, et mobilisera les acteurs associatifs dans une relation de confiance ». La formule, qui devait offrir une prise en charge aux migrants arrivant dans le nord de la France, devait même voir le jour « en fin de semaine ». Aujourd’hui, trois mois après, non seulement il n’y aura pas d’accueil à Calais, mais il n’est même plus possible de demander l’asile dans le Pas-de-Calais, depuis la fermeture du guichet unique.
Cent à deux cents exilés par jour
Depuis le début du mois de janvier, les associations tentent, comme elles le peuvent, d’éviter aux migrants revenus dans cette zone de mourir de faim et de froid, et d’être emmenés en rétention par des forces de police qui leur font la chasse. Les exilés seraient entre cent et deux cents à être nourris chaque jour à Calais et dans ses environs.
Si certains reviennent de centres d’accueil et d’orientation où ils avaient été emmenés lors du démantèlement de la « jungle », la semaine du 24 octobre 2016, la plus grande partie arrive directement de Vintimille (Italie). Pour ces nouveaux venus dans une France qu’ils souhaitent juste traverser, l’Angleterre n’a pas perdu sa force d’attraction.
En dépit de ces faits tangibles, en dépit de demandes réitérées des associations sur place, les seules annonces du gouvernement ont été l’ouverture d’un nouveau CAO dans le Pas-de-Calais (mais pas dans les environs de la ville de Calais), la libération de quelques places dans celui d’Arras et la multiplication des maraudes de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pour convaincre Africains et Afghans de renoncer au rêve britannique.
Le problème des migrants mineurs n’a pas non plus été résolu. Ceux-ci pourront être hébergés, mais hors de cette zone dans laquelle le gouvernement ne veut plus ni squat ni campement.
« Obliger les gens à se terrer »
« Il ressort de cette réunion que les autorités refusent que s’installe le moindre campement et mettent les moyens pour cela », considère Françoise Sivignon, la présidente de Médecins du monde, présente à la réunion :
« Toutes les associations ont pourtant rappelé que les chasses à l’homme n’aboutissaient qu’à obliger les gens à se terrer. »
« L’Etat a démissionné. C’est un déni de réalité, ont commenté les représentants du Secours catholique. Leur copie ressemble à un mauvais devoir sur table fait par des fonctionnaires qui gèrent des flux mais sont incapables de penser une politique migratoire. »
François Guennoc, de l’Auberge des migrants, estime que la demande associative adressée au gouvernement aurait pu se contenter « d’un dispositif de survie ». Mais même ce sujet n’était pas au programme ce lundi.
Il s’agissait d’une « mauvaise réunion » et le gouvernement a répondu aux demandes des associatifs par « une fin de non-recevoir » a déploré Florent Guéguen, délégué de la FNARS, une fédération d’associations de solidarité.
Les associations ont aussi marqué leur étonnement lorsque, interrogé sur le délit de solidarité dont sont victimes de plus en plus de citoyens aidant les migrants – à l’instar de Cédric Herrou, dans la vallée de la Roya –, elles se sont entendu répondre par le ministre de l’intérieur lui-même que ce délit n’existait plus dans notre paysage juridique. La justice, elle, ne s’intéresserait, selon Bruno Le Roux, qu’aux « réseaux de passeurs ».