Ultrasensible, le cas grec divise les Etats membres du Fonds monétaire international
Ultrasensible, le cas grec divise les Etats membres du Fonds monétaire international
LE MONDE ECONOMIE
La trajectoire budgétaire de la Grèce et la viabilité de sa dette ne font pas consensus au sein du conseil d’administration du FMI.
La Grèce reste décidément un casse-tête pour le Fonds monétaire international (FMI). Lundi 6 février, l’institution de Washington a laissé poindre des divisions internes sur l’état de santé du patient hellène, sous perfusion financière internationale depuis 2010, et surtout sur la soutenabilité de sa dette. Un point crucial pour le Fonds, car ses statuts lui interdisent d’aider un pays si, à terme, sa dette n’est pas viable. Jusqu’à présent, et malgré l’insistance de l’Allemagne, il s’est tenu à l’écart du troisième plan de soutien accordé par les Européens à Athènes, en 2015.
Réunis lundi après-midi en présence de la directrice générale, Christine Lagarde, les représentants des Etats membres du FMI ont examiné le dernier rapport de l’organisation sur l’économie grecque. Encore non publié, celui-ci relate, selon des fuites, la trajectoire « explosive » de la dette grecque qui pèse aujourd’hui 180 % du produit intérieur brut (PIB). Sans mesures d’allégement, elle atteindrait 275 % du PIB en 2060, estiment les experts du Fonds.
Pourtant, le communiqué, diffusé dans la nuit, laisse apparaître des divergences au sein de son conseil d’administration sur les conclusions du rapport. La plupart des directeurs se sont « ralliés » au diagnostic des équipes, mais « certains » ont exprimé « des opinions différentes sur la trajectoire budgétaire et la viabilité de la dette », est-il écrit.
Relations tumultueuses depuis sept ans
La déclaration ne précise pas quels « directeurs » – autrement dit quels pays – se sont ainsi démarqués. Mais cette transparence est inhabituelle alors que le conseil d’administration du FMI délibère généralement dans la plus grande confidentialité, en privilégiant la voie du consensus. Elle traduit le caractère ultrasensible du soutien à la Grèce au sein du FMI. Certains de ses Etats membres, parmi lesquels des émergents agacés par une crise qui n’en finit pas, ne souhaitent guère voir l’institution remettre au pot.
Depuis sept ans, les relations sont tumultueuses entre le FMI et Athènes. Mais, ces deux dernières années, l’institution a cherché à se démarquer de son image de grand méchant loup. Depuis des mois, elle assure ne pas réclamer à la Grèce plus d’austérité.
Le Fonds se pose en revanche comme l’allié d’Athènes sur le terrain d’un allégement significatif de la dette hellène, une solution dont les Allemands, entre autres Européens, ne veulent pas entendre parler. « La plupart des directeurs ont estimé que, malgré les énormes sacrifices de la Grèce et le généreux soutien des partenaires européens, une nouvelle aide pourrait être nécessaire pour restaurer la soutenabilité de la dette », poursuit le communiqué.
Cible presque impossible à atteindre
Dans une autre référence à cette dispute l’opposant aux créanciers européens, le communiqué de lundi note que, selon « la plupart des directeurs », la Grèce n’a pas besoin d’un nouvel effort de consolidation budgétaire, compte tenu de l’ajustement « impressionnant » qu’elle a réalisé et qui devrait lui permettre de dégager un excédent budgétaire primaire (avant paiement des intérêts) de 1,5 % du PIB à moyen terme.
Pourtant, « certains » pays membres du FMI plaident pour un excédent primaire de 3,5 % d’ici à 2018. Cet objectif est celui fixé même par les Européens dans le cadre de l’actuel plan d’aide. Dans ses dernières prises de position publiques, le FMI affirmait qu’une telle cible était presque impossible à atteindre pour la Grèce et sous-entendait une austérité budgétaire telle qu’elle pèserait sur la croissance et ferait de nouveau déraper la dette.
Les dissonances exprimées par le FMI risquent de compliquer encore le dialogue entre les créanciers. L’Allemagne continue de réclamer que le FMI participe à l’actuel plan de soutien, arguant que sa présence renforce la crédibilité de ce sauvetage pour les marchés financiers. Pour autant, Berlin refuse d’envisager toute restructuration substantielle de la dette. Les Européens ont uniquement consenti mi-janvier à quelques opérations très techniques visant à baisser très légèrement les taux sur certaines tranches de dettes.
En attendant, l’heure tourne dangereusement pour la Grèce qui va avoir besoin d’un nouveau prêt dès le printemps pour ne pas sombrer dans une nouvelle crise financière.