La Grèce obtient de ses créanciers quelques mois de répit
La Grèce obtient de ses créanciers quelques mois de répit
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Au terme d’une réunion de l’Eurogroupe, lundi, il a été acté que les représentants des créanciers retourneront à Athènes dans les jours prochains pour discuter dans le détail des réformes attendues en échange d’une nouvelle tranche de prêts.
Alexis Tsipras recevait le chef de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, vendredi 30 janvier. | REUTERS/POOL
Faut-il croire les ministres des finances de la zone euro qui, lundi 20 février au soir, à l’issue d’un Eurogroupe particulièrement court, ont assuré qu’une nouvelle étape, très positive, avait été franchie dans l’interminable feuilleton de la crise grecque ?
« Les créanciers de la Grèce [Fonds monétaire international, Banque centrale européenne, Mécanisme européen de stabilité] se sont mis d’accord, et leurs chefs de mission vont pouvoir retourner dans le pays pour terminer la revue [l’évaluation] du troisième plan d’aide », s’est félicité Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe.
« Nous sommes sur la voie d’un accord exigeant pour que les Grecs voient enfin le bout du tunnel », a ajouté Pierre Moscovici, commissaire européen à l’économie. Le ministre français de l’économie et des finances, Michel Sapin, est même allé jusqu’à affirmer que « la Grèce est sortie de la spirale de l’austérité ».
Quel était l’enjeu de cet Eurogroupe ?
Cette énième réunion au sommet à Bruxelles était présentée, encore ces derniers jours, comme décisive par de nombreuses sources proches du dossier. Il s’agissait, une fois de plus, de trouver un accord sur une liste supplémentaire de réformes à mettre en œuvre par Athènes en échange d’une nouvelle tranche de prêts dans le cadre du troisième plan d’aide au pays (86 milliards d’euros en tout, décidé en août 2015).
Près de 32 milliards d’euros ont été débloqués pour la Grèce dans le cadre de ce plan de soutien et le pays a déjà dû adopter des dizaines de législations, visant essentiellement à couper dans ses dépenses publiques et/ou à augmenter ses recettes fiscales.
Athènes aura de nouveau besoin de gros montants d’aide – au moins 7 milliards d’euros – d’ici à la fin du printemps, pour parvenir à rembourser dans les temps ses engagements, notamment vis-à-vis de la BCE.
Sur quoi Athènes et ses créanciers se sont-ils entendus ?
Le gouvernement d’Alexis Tsipras et ses créanciers ne sont pas à proprement parler parvenus à un accord, lundi 20 février. Ils se sont juste entendus sur quelques principes. La Grèce, sous tutelle financière depuis maintenant sept ans, s’engagera à réformer encore un peu son système de retraite (c’est au moins la dixième fois qu’elle s’y attelle depuis 2010), à procéder à une remise à plat de son droit du travail, et à adopter de nouvelles mesures fiscales.
Il devra au total en résulter une économie de 2 % de son produit intérieur brut (PIB). En échange, le gouvernement Tsipras pourra proposer ses propres réformes « de croissance », a précisé M. Moscovici.
Les représentants des créanciers devraient retourner à Athènes dans les jours qui viennent pour discuter dans le détail les réformes attendues (retraites, fiscalité, etc.), et les éventuelles mesures « compensatoires » que les Grecs souhaiteront mettre en place.
Attention cependant : à en croire plusieurs sources au fait des discussions de l’Eurogroupe, pas question pour les Grecs d’avancer leurs propres réformes tant qu’ils n’auront pas donné toutes les assurances aux créanciers que le surplus primaire du pays (le solde du budget avant paiement des dettes) sera d’au moins 3,5 % du PIB en 2018 et en 2019.
Et le gouvernement grec, qui penserait déjà à une baisse des impôts sur les résidences, afin de soulager une population de propriétaires épuisée par des années d’austérité, ne pourra rien décider sans le feu vert de ses créanciers.
Quand Alexis Tsipras a tenté de se passer de leur assentiment en proposant une modeste revalorisation des petites pensions, suite à des rentrées fiscales meilleures que prévu fin 2016, il s’est fait sévèrement taper sur les doigts. L’Eurogroupe avait retardé d’un mois le déclenchement de mesures d’allégement pour la dette grecque.
Ces avancées règlent-elles la question du maintien du FMI dans le plan d’aide ?
« Le but de la manœuvre, c’est d’obtenir du FMI qu’il reste à bord », souligne une bonne source bruxelloise, à propos des annonces de l’Eurogroupe. Il s’agit de faire en sorte que l’institution de Washington ne jette pas l’éponge, alors qu’elle participe à toutes les négociations avec Athènes, mais qu’elle n’a toujours pas décidé si elle participait ou non au troisième plan d’aide (qui s’achève théoriquement mi-2018).
Le FMI estime que l’énorme dette grecque est insoutenable (elle se situait à près de 180 % du PIB en 2016). Il l’a redit de manière assez brutale il y a quelques semaines à peine. Pour la résorber, le fonds préconise soit des réformes encore plus drastiques pour Athènes que ce que la Commission européenne, la BCE ou le MES recommandent, soit que les créanciers du pays renoncent à une partie de leurs créances. Or, un grand nombre de pays de l’eurozone, emmenés par l’Allemagne, refusent de sacrifier leurs prêts, mais exigent néanmoins la présence du FMI à leur côté.
Pour sortir de cette interminable quadrature du cercle, c’est une fois de plus Athènes qui semble avoir dû « plier » en acceptant, sur le papier, lundi, une liste de réformes structurelles plus longue que prévu.
La chancelière Angela Merkel devrait rencontrer Christine Lagarde mercredi 22 février, pour se faire confirmer que le Fonds reste pour l’instant « à bord ». « Il devra définitivement décider de sa participation au troisième plan d’aide dans le courant du courant du printemps », estime un diplomate. Cela fait déjà un an et demi que régulièrement, à Bruxelles, on promet une décision imminente du Fonds monétaire international.